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Le crédit et les affaires ont non-seulement besoin de la paix du jour, ils ont besoin aussi de celle du lendemain, de la garantie que cette paix qu’ils possèdent, et à la faveur de laquelle s’accomplit tout le mouvement commercial et industriel d’une nation, ne leur sera pas ravie du jour au lendemain, comme elle peut l’être quand on est en face d’un pouvoir sans contrôle.

Nous ne sommes pas dans le secret de la pensée qui a fait accorder le décret du 24 novembre ; mais il nous sera permis de supposer qu’elle a eu deux mobiles : le premier d’élargir les bases de notre constitution et de donner au pays plus de contrôle qu’il n’en avait sur ses affaires, le second de montrer à l’Europe, après les alarmes qu’avait tout à coup suscitées la guerre d’Italie, que le souverain qui se laissait ainsi contrôler ne pouvait pas nourrir des desseins hostiles contre la paix de l’Europe. À ce dernier point de vue pourtant, le décret n’a pas produit tout l’effet qu’on en attendait, l’inquiétude n’a pas entièrement cessé. Pourquoi ? C’est que le décret du 24 novembre n’était pas suffisant. Ce décret a donné au corps législatif le droit d’exprimer chaque année son opinion sur la politique générale à l’occasion de l’adresse ; mais quel intérêt pratique, je le répète, peut avoir une discussion qui a lieu sur des actes qui sont ou passés ou à venir et jamais présens ? quel contrôle peut-elle exercer pour en prévenir les effets ? Le moindre droit d’interpellation accordé en temps utile, lorsqu’une question vient à naître et que l’opinion en est préoccupée, serait beaucoup plus efficace. Veut-on que le crédit se relève, que la rente soit à des cours plus en rapport avec le niveau de la richesse publique, que cette richesse elle-même ait tout l’essor qu’elle doit avoir, il faut non pas retirer le décret du 24 novembre et promettre la paix, ce qui serait contradictoire, mais le compléter par deux corollaires indispensables qui sont premièrement l’indépendance absolue du suffrage universel, en second lieu un régime légal donné à la presse.

Je ne veux rien dire contre les honorables membres qui siègent au corps législatif : élus en vertu de la candidature officielle ou non, ils ont tous également à cœur les intérêts de leur pays et la sincérité de leur mandat ; mais il faut reconnaître que pour les uns le devoir est plus difficile que pour les autres. Ceux qui ont été nommés en vertu de la candidature officielle ne peuvent pas oublier qu’en général cette candidature a été leur premier titre auprès des électeurs et que beaucoup auraient échoué sans elle ; ils se rappellent de plus ce qui s’est passé aux dernières élections : quelques députés dans le cours de là législature précédente avaient cru devoir, sur certains projets de loi, se séparer de la politique du gouvernement ; ils n’ont plus été candidats officiels, ils ont même été combattus