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dépenses, les nations auront toujours besoin de soldats ; supposons que l’économie soit seulement de moitié : c’est près de 2 millions d’hommes qui retournent à l’agriculture et à l’industrie, et qui trouvent pour féconder leur travail près de 2 milliards économisés sur leur entretien.

En France, depuis 1852, nous avons emprunté 3 milliards 1/2, et si nous y ajoutons ce que nous ont donné les ressources extraordinaires absorbées par chaque budget, avec les supplémens que nous avons tirés de la progression des revenus indirects, nous atteindrons certainement un chiffre de 6 milliards au-delà de ce que nous aurions dépensé, si nous avions pu nous en tenir au chiffre du budget de 1852, à ce chiffre d’environ 1 milliard 500 millions que M. Thiers considérait comme le budget normal de la France. Or voit-on ce qu’on aurait pu faire avec ces 6 milliards, si, au lieu de les employer aux dépenses improductives de l’état, on les eût laissés à l’industrie et au commerce ? Un honorable député, M. Jules Simon, a fait pendant la dernière session rémunération des divers moyens qui se présentent pour venir en aide à la classe ouvrière et combattre cet affreux paupérisme que chacun de nous a sous les yeux comme un cauchemar. Il indiquait parmi ces moyens quelques modifications à introduire dans la loi sur les coalitions, un plus grand développement à donner à l’idée d’association, une instruction élémentaire plus répandue et quelques améliorations dans les logemens, puis il ajoutait que c’étaient là de petits moyens. En effet, ce sont de petits moyens ; mais il y en avait un grand dont il ne parlait pas, et qui méritait pourtant son attention : c’était l’économie dans les dépenses publiques. Supposons, comme je le disais tout à l’heure, que l’état, au lieu d’avoir absorbé 6 milliards en dehors des limites du budget de 1852, les eût laissés à l’industrie et au commerce, supposons même, pour faire la part d’un certain accroissement légitime dans les dépenses, qu’il n’en eût laissé que 5 ; 5 milliards employés utilement dans l’industrie rapporteraient au moins 10 pour 100, soit 500 millions, c’est-à-dire plus qu’il n’est dépensé chaque année pour ces immenses travaux publics qui ont porté si haut la prospérité du pays. Supposons ces 500 millions répandus en profits et en salaires, et s’accumulant chaque année avec la simple progression arithmétique ; il y aurait eu là un puissant levier, sinon pour extirper le paupérisme, au moins pour le diminuer sensiblement. L’Angleterre, depuis trois ans, par suite de la guerre d’Amérique, subit une crise dans la plus considérable de ses industries, celle du coton. Il semblait qu’elle ne pût pas rester debout, si cette industrie, qui produit plusieurs milliards par an et fait vivre quatre millions d’hommes, était atteinte ; elle a été atteinte des plus gravement, et nous avons vu pendant plusieurs mois des