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N’est-ce pas au contraire un prodige de la science politique que le fait d’une nation qui a pour principe de ne pas faire la guerre, qui ne la fait en effet que dans les cas extrêmes, et qui cependant est respectée, plus respectée souvent que telle autre nation qui n’a pas les mêmes principes et ne fournit pas les mêmes exemples ? C’est qu’il y a dans ce monde une autre force que celle du canon : il y a la force sympathique qui s’attache aux institutions libérales, c’est celle-là qui fait l’influence de l’Angleterre, car l’Angleterre est depuis longtemps le seul pays qui porte fièrement le drapeau des idées libérales, et qui soit réellement gouverné par l’opinion publique.


III

Pour montrer ce que peut en finances la liberté politique, j’ai pris mes points de comparaison en Angleterre, parce que c’est là qu’ils sont le plus saillans. J’aurais pu les prendre ailleurs. J’aurais pu citer l’exemple de la Belgique, qui, de 1852 à 1862, a augmenté son budget d’un septième seulement, de 121 millions à 144, et sa dette publique d’un quinzième, tandis que nous avons augmenté l’un de près d’un tiers, et l’autre de près de la moitié, — l’exemple des Pays-Bas, qui ont en 1862 un budget de 86 millions de florins contre un budget de 70 millions de florins en 1852 et une dette de 36 millions de florins en 1852, réduite à 30 millions en 1862 ; mais ces états, n’ayant pas l’importance de la France, n’ont pas les mêmes devoirs à remplir au dehors et au dedans, et on pourrait objecter que la comparaison pèche par la base. J’aurais pu encore, dans notre propre pays, tirer argument de ce qui a eu lieu sous les gouvernemens antérieurs, montrer que sous la restauration par exemple, sous le gouvernement de juillet, où la liberté politique jouait un plus grand rôle qu’aujourd’hui, ni le budget ni la dette n’ont augmenté dans une proportion semblable à celle qu’on a pu constater depuis douze ans. La restauration trouve une dette de 63 millions de rente 3 pour 100, 150 millions de créances arriérées et 90 millions de créances courantes, et elle laisse une dette inscrite de 163 millions après avoir liquidé tous les frais de l’invasion et l’indemnité des émigrés. En quinze ans, son budget s’était élevé du chiffre de 735 millions (1815) à 986, budget préparé pour 1831. Le gouvernement de 1830, dans ses dix-huit ans, fait monter la dette de 163 millions à 186, et passe d’un budget de 986 millions à un budget de 1 milliard 543 millions (1846), en y comprenant pour 169 millions de dépenses extraordinaires en travaux publics ; il n’y en a que pour 104 millions dans le budget de cette année[1].

  1. Je ne parle pas du budget de 1847, qu’on a pris à tort pour point de comparaison des finances du règne précédent. Cette année, ayant eu, à cause de la disette, des dépenses extraordinaires à supporter, ne peut être considérée comme une année normale.