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Dès la première année de la mise en vigueur du sénatus-consulte, dès 1862, il y eut pour 231 millions de crédits extraordinaires et supplémentaires d’ouverts[1] : ils le furent, il est vrai, sous forme de budget rectificatif ou complémentaire, par le vote du pouvoir législatif ; mais ils n’en grevèrent pas moins les finances publiques, ils n’en furent pas moins la cause d’un nouveau déficit. En 1862, le déficit a été de 35 millions, si on ne tient pas compte de pareille somme que, par un expédient financier, à propos des modifications survenues dans les époques de paiement de la dette publique, on a reportée d’une année sur l’autre, — de 70 millions, si on tient compte de cette somme. En 1863, les crédits supplémentaires ont encore été de 222 millions[2], et le déficit paraît devoir être de 43 millions, tout cela malgré les ressources extraordinaires de toute nature dont on a fait usage dans ces deux exercices, telles que l’indemnité de la Chine pour 20 millions, le versement de l’Espagne au trésor français pour 25 millions, le reliquat de l’emprunt de 1859 et des consolidations de la dotation de l’armée pour 44 millions, etc., malgré une augmentation d’impôt considérable qui a profite au budget de 1862 pour 38 millions, et à celui de 1863 pour la somme entière, c’est-à-dire pour 74 millions.

Il faut même ajouter que non-seulement le sénatus-consulte du 21 décembre 1861 n’a pas arrêté la progression des dépenses, mais qu’on n’a pas toujours tenu compte de ses prescriptions rigoureuses. M. Segris, dans son rapport sur le budget rectificatif de 1862, nous apprend que 38 millions de dépenses extraordinaires ont été engagés cette même année sans aucune intervention législative, fait reconnu par les commissaires du gouvernement. Le même fait s’est produit encore en 1863 pour une somme plus considérable. M. Larrabure, dans son remarquable rapport sur les crédits supplémentaires, le constate ainsi après avoir rappelé ce qui s’était passé l’année précédente : « Messieurs, dit-il, votre commission des crédits supplémentaires de 1863 s’est trouvée aujourd’hui dans une position identique, en face des mêmes demandes et des mêmes faits accomplis ; elle a exprimé son regret qu’on ait rendu impuissantes les précautions édictées par le sénatus-consulte. Par le projet de loi actuel, on sollicite 93 millions de nouveaux crédits pour 1863 ; on les sollicite à la fin de l’année, quand les dépenses qu’ils sont destinés à couvrir sont évidemment, sinon consommées, au moins engagées. Le corps législatif n’a plus son libre arbitre pour examiner, et par suite pour accorder ou refuser. Les garanties qui formaient notre droit sont suspendues. » M. Larrabure ajoute que les commissaires

  1. Rapport de M. O’Quin pour le budget de 1865, page 10.
  2. Même rapport, page 16.