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mœurs, et que celle-ci se fît par le clergé lui-même : l’œuvre était difficile ; mais le solitaire de Chalcide avait foi dans les idées monastiques, il avait foi surtout dans son désir du bien, dans son désintéressement et dans son génie. Approuvé par un évêque aussi éminent que Damase, il crut tout facile. Par lui se forma, au sein de l’église de Rome, ce qu’on pourrait appeler un parti de la réforme morale dans lequel entrèrent plusieurs prêtres et des moines en plus petit nombre ; toutefois Jérôme s’aperçut bientôt que pour agir efficacement il devait prendre son point d’appui parmi les fidèles, mais hors de l’église.


II

Cependant les évêques occidentaux, appelés à Rome pour l’ouverture du concile annoncé comme œcuménique, ne se réunissaient que lentement, et quand la session fut ouverte, ils semblèrent en prolonger les préliminaires avec une lenteur calculée. L’abstention des Orientaux déjouait tous les projets, et les regards se tournaient vers Constantinople, où un concile rival venait de terminer sa session, sans que ses résolutions fussent encore connues autrement que par de vagues rumeurs. Ce premier contre-temps fut suivi d’un second. L’archevêque de Milan, Ambroise, à qui appartenait l’idée du présent synode, et sur qui l’on comptait pour le diriger, tomba malade en arrivant à Rome, et l’assemblée se trouvait dans un véritable embarras, quand Damase lui présenta Jérôme pour remplir les fonctions de secrétaire. Ce fut un grand honneur pour ce moine à peine débarqué d’Orient, et dont beaucoup d’évêques occidentaux savaient à peine le nom ; ce n’était pas une moins lourde charge, comme il ne tarda pas à le sentir.

Pour bien faire comprendre ce qui va se passer à Rome, il faut que nous ramenions aussi nos lecteurs vers Constantinople, en renouant le fil de ces récits où nous l’avons précédemment brisé, c’est-à-dire au moment où la lettre synodique des évêques d’Italie, invitant les Orientaux à se rendre à Rome pour y régler, entre autres affaires, celles de l’église orientale, avait provoqué de si vives susceptibilités dans cette partie de l’empire. Prévoyant dès lors ce qui allait arriver, les évêques italiens recoururent à Théodose lui-même pour empêcher qu’un second concile se réunît dans sa ville impériale, et obtenir au contraire que par son autorité les évêques orientaux fussent contraints de se rendre à celui de Rome ; ils lui écrivirent dans ce sens une lettre dont Ambroise fut, à ce qu’on croit, le rédacteur. Ils y exposaient nettement au très religieux césar, comme on l’appelait, les raisons qui rendaient indispensable, pour la paix