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Paris n’est point conforme à l’œuvre qu’on voudrait entreprendre. La ville de Paris fait dans ses travaux une opération commerciale : elle acquiert des terrains et les met en valeur pour les revendre. La caisse des travaux est une dette flottante destinée à couvrir momentanément une différence entre le prix de revient des terrains acquis par la ville et le prix de vente auquel elle espère les écouler. On avait à l’origine estimé qu’une vingtaine de millions suffirait pour couvrir cette différence, et aujourd’hui les bons émis par la caisse des travaux atteignent 100 millions, ce qui annonce, pour le dire en passant, que la ville de Paris est beaucoup plus prompte à acquérir des terrains qu’à en revendre, et qu’il serait sage à elle de songer à une liquidation partielle de l’énorme stock qu’elle a accumulé entre ses mains. La caisse des grands travaux publics ne serait donc semblable en rien à la ville de Paris. Si elle émettait des bons à courte échéance, elle ferait une concurrence fâcheuse aux bons du trésor ; si elle émettait des obligations amortissables, elle nuirait à la rente française : défavorablement accueillie sur le marché financier, elle viendrait ajouter une lourde complication à une situation déjà travaillée par bien des difficultés.

On sait que les voyages des souverains n’ont pas le don d’exciter notre curiosité et de nous donner à penser. Le voyage que l’empereur Alexandre vient d’accomplir à Nice, en traversant l’est de la France, ne nous suggère donc aucune réflexion politique. On a bien le droit d’appliquer au tsar le mot du vieux doge à Louis XIV. Ce qui a dû l’étonner le plus dans notre France, toute pénétrée de sympathie pour la Pologne, c’est de s’y trouver. Il paraît que l’on ne s’attendait pas d’abord à cette visite de l’empereur Alexandre, que le public français regarde comme un acte empreint d’une certaine hardiesse, surtout s’il ne procure à la Pologne aucun adoucissement. Les politiques du Nord ont l’air de terminer cette année, qui pour eux a été laborieuse, par ces excursions capricieuses que les Anglais affairés appellent des trips. Tandis que le tsar allait à Nice, le grand homme de cette année, l’heureux M. de Bismark, revenait de Biarritz. Le pauvre M. de Rechberg accomplit, lui, un plus fâcheux voyage ; il quitte le ministère parce qu’il avait, dit-on, le tort de trop inféoder la politique autrichienne à la politique prussienne. Son dernier acte aura été de signer le traité de paix du Danemark. Les choses vont donc reprendre en Allemagne leur marche accoutumée. La liaison de passade de l’Autriche et de la Prusse est finie. L’Autriche, qui réunit son Reichsrath, annonce l’intention de s’occuper de ses affaires intérieures, de bien vivre avec tout le monde et de reprendre en Allemagne le patronage des états secondaires. M. de Bismark, en passant à Paris, ne s’est pas fait faute de dire que la Prusse n’a jamais contracté l’obligation de garantir la Vénétie à l’Autriche. L’empereur Alexandre en doit avoir dit autant à l’empereur Napoléon III. Le Nord a quitté la scène ; c’est maintenant l’Italie qui l’occupe.

Quelques amis fidèles rendaient, il y a peu de jours, les derniers devoirs à l’un des collaborateurs les plus assidus et les plus méritans de la