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aussi bien que de la liberté. Nous ne sommes peut-être pas étonnés d’avoir meilleure opinion que M. de Falloux de l’avenir de la liberté dans notre pays ; mais nous sommes surpris d’espérer mieux que lui de la vitalité des croyances religieuses et du succès avec lequel elles doivent traverser les transformations sociales et politiques de notre siècle.

Au surplus, le fait de la cessation de notre occupation de Rome rendra aux catholiques un premier service en déplaçant pour eux le champ de la controverse, en leur retirant le thème usé des récriminations et des redites, en les obligeant à penser moins au passé et à songer davantage à l’avenir. Devant les horizons qu’ouvre en ce moment la crise du pouvoir temporel, les questions courantes paraissent bien pâles. Il en est cependant qui tiennent pour ainsi dire à la vie quotidienne des sociétés, et qui se présentent avec un tel caractère d’urgence qu’on ne saurait les négliger impunément. La crise commerciale et financière qui sévit en ce moment dans le monde appartient aux questions de cet ordre. Il semble que les affaires saines et régulières aient eu moins à souffrir en France qu’en d’autres pays de ce mal passager. En France, la crise est peut-être moins commerciale que financière. On avait chez nous spéculé bien moins, qu’en Angleterre sur les marchandises de grande consommation, telles que le coton et le sucre, qui ont subi depuis deux mois une dépréciation énorme. En revanche, une fâcheuse tendance, une tendance malheureusement invétérée, compromet en France la bonne direction des affaires : nous voulons parler de l’ardeur irréfléchie avec laquelle on engage les capitaux en des emplois ou des entreprises qui les immobilisent. Il doit y avoir entre les capitaux consacrés à la production industrielle, aux échanges commerciaux, capitaux destinés à se renouveler sans cesse et à rester disponibles, et les capitaux consacrés à l’immobilisation et qui ne se recomposent que lentement par les intérêts annuels, une juste proportion à garder. Quand cet équilibre est rompu, quand on s’adonne sans modération aux entreprises qui immobilisent le capital, quand on détourne vers ce courant une portion des capitaux destinés à soutenir le roulement naturel de la production et des marchandises, on entre dans une situation économique critique, où tout accident peut devenir un mal grave. Il est évident qu’on s’est trop abandonné en France à cet entraînement. Le marché français est depuis quelque temps assailli par d’énormes emprunts étrangers ; il fait face à l’intérieur à la construction de chemins de fer, aux entreprises des sociétés immobilières, aux travaux publics exécutés par nos départemens et par nos villes ; il contribue presque exclusivement à la construction des voies ferrées dans plusieurs pays. La première conséquence d’un pareil emploi des capitaux, celle à laquelle nous assistons, est un renchérissement extrême du capital et du crédit Si l’on ne se calme pas, si l’on ne se modère pas, si l’on ne s’arrête pas un peu dans cette voie, il faut s’attendre à une série de crises intermittentes.

Dans cette situation, la seule institution dont la conduite ait mérité