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la propreté qui règnent dans la crèche, frappe l’attention du visiteur, c’est le silence absolu que gardent non-seulement les femmes actives, donnant leurs soins à ce grand nombre d’enfans, mais ces pauvres créatures elles-mêmes, incapables de vivre encore autrement que par la sensation, et muettes aussi, comme pour obéir dès lors à une discipline rigoureuse. À peine un cri s’élève-t-il par intervalles, à peine un vagissement sort-il de ces berceaux fermés, qu’on pourrait croire vides. Vous supposez du moins que les petits êtres qui les occupent dorment tous d’un profond sommeil ; vous levez les rideaux, et vous apercevez souvent les yeux grands ouverts des enfans. Chacun d’eux reçoit comme un automate la nourriture qui lui est donnée avec une rapidité machinale. Les plus grands de ces enfans qui viennent d’être admis après l’abandon, et qu’on introduit dans la crèche pour y être lavés et habillés, dévorent leurs cris et leurs larmes : ils regardent avec une tristesse navrante les lieux inconnus et les visages étrangers qui les entourent.

Les enfans reçus à l’hospice y arrivent par trois voies différentes, par l’hospice de la Maternité et les hôpitaux, par les commissaires de police de Paris, par la réception directe. L’enfant né dans un hôpital est admis après le décès de la mère, ou sur sa déclaration qu’elle ne veut pas le conserver. Le règlement de 1845, appliqué depuis 1852, a fixé pour Paris les conditions de l’admission des femmes enceintes dans les hôpitaux. Toute femme enceinte qui se présente à l’hôpital donne son nom et indique son domicile. Si elle n’est pas du département de la Seine, on la renvoie à moins de nécessité urgente et de maladie. Après l’accouchement, si elle allaite son enfant et l’emporte, on lui donne des secours et une demi-layette, ou si elle ne peut le nourrir, on offre de le placer en nourrice par l’intermédiaire de la direction. Enfin, quand elle déclare vouloir l’abandonner, l’enfant est porté à l’hospice de la rue d’Enfer. Il n’y a pas longtemps encore, on imposait à ces femmes l’obligation d’allaiter leurs enfans jusqu’à la sortie de la Maternité. Cette prescription n’est plus en vigueur depuis 1857.

Les enfans envoyés par les commissaires de police sont ceux qui ont été trouvés sur la voie publique, ceux qui sont abandonnés par leur famille ou qui demeurent orphelins sans que nul parent ou ami veuille en prendre soin, enfin tous ceux qui sont présentés par une personne requérant à quelque titre que ce soit l’intervention du commissaire de police. C’est aussi par cet intermédiaire que sont adressés à l’hospice ceux qui forment la catégorie des déposés, c’est-à-dire les enfans de tout âge dont les parens sont retenus temporairement dans les prisons ou dans les hôpitaux, et dont personne ne consent à se charger.