Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les réformes se briseront contre ses murailles, toutes lézardées qu’elles sont. » Le parti le plus sûr serait donc de raser la villa Medici ; mais par condescendance on veut bien lui faire grâce, à la condition de l’affecter à un tout autre usage. Au lieu de la jeunesse, c’est la caducité qu’il y faut héberger. C’est là ce qui convient à Rome, cette ville « qui demeure debout comme pour être les invalides de tout ce qui a vécu par l’intelligence. » Ainsi un hôpital de vieux artistes cassés et surannés eux-mêmes, voilà tout ce qu’on peut faire de cette vieille institution.

Si ce programme était l’œuvre d’un écrivain sans crédit, le mieux serait de n’en rien dire ; mais l’auteur, comme on sait, passe pour avoir pris une part importante à la préparation du décret de novembre : on peut donc lire dans ses aveux quel est au fond pour l’école de Rome le bon vouloir du décret. Que l’administration et son illustre chef, M. le maréchal ministre de la maison de l’empereur, ne s’en soient pas doutés, qu’ils n’aient ni souhaité mi voulu ce qu’ils ont laissé faire, peu importe ; les mesures qu’ils ont prises n’en sont pas moins empreintes du même esprit que la brochure que nous venons d’analyser. Elles sapent à la base l’institution de Louis XIV et en préparent fatalement la chute. Ce n’était donc pas un cri d’alarme exagéré que jetait ici même, dès le 15 décembre, M. le secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts ; il n’y mettait pas trop de zèle, l’intérêt de sa compagnie ne l’emportait pas trop loin, puisqu’il disait exactement, il y a dix mois, ce que l’ex-professeur d’esthétique confesse lui-même aujourd’hui.

Franchement nous trouverions, nous aussi, plus sincère et plus digne de fermer simplement la villa Medici, d’en faire un hôpital, un garde-meuble, un magasin, tout ce qu’on voudrait, plutôt qu’une école dépeuplée, déchue, à l’abandon. Cette façon de dire aux lauréats : « Allez à Rome, mais n’y restez pas trop ; deux ans, c’est bien assez ! » n’est-ce pas faire entendre qu’on a son parti-pris, qu’on ne maintient l’antique usage que pour sauver les apparences, pour ménager la transition, et que l’évacuation est au fond décidée ? Deux ans, c’est bien assez, oui, pour rendre désert et bientôt inutile ce grand palais. De vingt-cinq à trente pensionnaires, vous tomberez à moins de dix. Comptez-vous sur la solitude pour motiver une clôture qu’aujourd’hui vous n’osez prononcer ? Deux ans, si nous parlons des touristes, des curieux, à la bonne heure ; c’est assez pour chercher, pour voir : pour étudier, quatre ans n’étaient pas trop. On pouvait même y ajouter cette cinquième année qu’on retranche aujourd’hui sous prétexte de mieux rétribuer les quatre autres : compensation parcimonieuse peu digne d’un grand état. Si du moins c’était au profit d’Athènes qu’on voulait faire à Rome cette si maigre