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les théories abstraites les mieux déduites ne sauraient équivaloir en effet à une expérience, et cette expérience, l’Orient bouddhiste l’offre à nos yeux, réalisée dans des proportions gigantesques.

La seconde halte de l’esprit aryen en Asie est marquée par deux grandes religions antagonistes, celle des Perses et celle des brahmanes. La première a longtemps vécu de ses propres principes et sans subir dans son contact avec les peuples non aryens aucune altération importante ; c’est donc dans les livres attribués à Zoroastre que sa forme originale doit être aujourd’hui cherchée. Le Boundehesch et le Livre des Rois de Firdouci, qui datent de temps postérieurs, offrent déjà beaucoup de légendes et même de croyances dont l’origine n’est certainement pas aryenne et qui viennent soit de l’Assyrie et de la Chaldée, soit même de pays plus méridionaux. Avant que le texte de l’Avesta eût été traduit et commenté par les savans de nos jours, le caractère panthéistique de la religion des Perses n’avait pour ainsi dire pas été aperçu ; on n’avait été frappé que du symbolisme extérieur de son culte et des apparences dualistes que présente le mythe d’Ormuzd et Ahriman, Depuis lors, on a vu que ce dernier personnage est loin d’être placé sur le même degré que son rival, que dans sa légende il n’est présenté ni comme éternel ni même comme immortel, et qu’il est destiné à disparaître un jour. Quant à Ormuzd (Ahura mazda), la science ne le considère plus uniquement sous la forme personnelle que la légende et le culte lui donnent ; mais l’étude des textes zends a prouvé qu’il dérive d’une conception métaphysique beaucoup plus abstraite, celle de l’Être absolu et universel, tel qu’il se trouve dans tous les systèmes panthéistiques de l’Orient. Ce n’est point par le fond métaphysique des doctrines que le mazdéisme s’est trouvé en lutte avec le brahmanisme, mais par les symboles, qui sont là partie des religions la plus accessible au peuple, par les cultes, qui naissent des symboles et qui s’y accommodent, et par la forme particulière qu’un culte donne toujours à une civilisation.

Quant à l’origine de la race et de la religion médo-perses, la science européenne se trouvait en face d’une grande hypothèse, à la vérité probable, mais non démontrée par des textes authentiques et clairs, avant que l’on eût entre les mains les hymnes du Vêda. Lors des invasions de Darius et de Xerxès, la Grèce avait déjà reconnu des frères dans ses ennemis : on se rappelle la belle allégorie du poète Eschyle dans sa tragédie des Perses. Plus tard, dans Alexandrie, la parenté des deux peuples éclata par l’alliance qui s’accomplit entre leurs doctrines ; l’introduction dans l’empire romain de cultes persans, comme celui de Mithra, semblait dire aussi qu’une certaine affinité existait entre ces religions et celles de l’Occident. Mais c’est seulement de nos jours que l’on a pu suivre la marché des idées