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récentes publications qu’elles ne sont au contraire devenues florissantes qu’à mesure que la proportion des criminels déportés y était moindre.


I.

Lorsque la colonie de Botany-Bay fut créée, l’Angleterre ne songeait qu’à établir un dépôt pénitentiaire, afin d’y reléguer les criminels qui encombraient ses bagnes et ses prisons. Que le pays fût sain et tellement éloigné de l’Europe que les hommes libérés ne pussent revenir dans la mère-patrie, on n’en demandait pas davantage; peut-être aussi entrevoyait-on que les déportés pourraient se convertir au travail, défricher le sol, et que, dans un avenir lointain, un royaume britannique se développerait sur ce rivage avec l’aide d’immigrans libres. Dès 1794 arrivèrent des familles volontaires auxquelles l’autorité locale distribua des lots de terrain. Les officiers de l’armée de terre, retenus aux antipodes par le service militaire, entreprirent aussi quelques cultures aux environs de Sydney. Certains condamnés même, après avoir achevé le temps de leur peine, firent des plantations et s’établirent au bord des rivières; mais l’immigration fut pendant longtemps très restreinte. Il serait inutile de suivre pas à pas les progrès de ce pays depuis sa fondation jusqu’à l’époque actuelle : sans remonter trop loin, il suffira de prendre l’état de la société australienne en 1828. À cette époque, les convicts, tant ceux qui subissaient leur peine que ceux qui étaient libérés, formaient encore la majorité de la population[1]. Une garnison considérable, des états-majors nombreux, nécessaires pour administrer une multitude de si mauvais aloi et pour y maintenir le bon ordre, donnaient à la colonie un aspect militaire très prononcé. Les convicts arrivés depuis peu, ou dont la conduite exigeait une surveillance plus étroite, étaient détenus dans des baraques et conduits chaque jour par troupes de deux à trois cents aux chantiers de travaux publics. On les employait beaucoup aux routes, qui furent de la part des gouverneurs l’objet d’un soin particulier. Les autres étaient distribués entre les colons, qui en faisaient des ber-

  1. Un recensement opéré en 1828 fit connaître que la population totale était de 36,598 âmes, dont 4,673 immigrans libres, 8,667 nés dans le pays en grande partie de parens déportés, 7,530 libérés et 15,728 convicts. Il y avait 27,611 hommes et 8,987 femmes. La colonie se composait alors de la ville de Sydney, dont la population agglomérée était déjà de 10,815 habitans, et de ses environs, des établissemens créés depuis peu dans l’île de Van-Diémen ou Tasmanie et de l’île de Norfolk, à 1,500 kilomètres au nord-est du Port-Jackson, où l’on déportait les condamnés dangereux ou incorrigibles. Pendant la période de 1825 à 1829, il arrivait en moyenne 1,000 immigrans libres par an.