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jesté, ajoutait d’Argenson, veut que vous réunissiez tous les avantages qui peuvent servir à intimider l’ennemi et à faire avorter plus sûrement les projets fastueux que les alliés ont annoncés dans toutes les cours de l’Europe. » Le vieux maréchal de Noailles lui adressait des encouragemens avec une verve cordiale. « Si vous avez une affaire, j’espère tout de vous, mon brave comte… Je suis très fâché de ne pas être auprès de vous, pour vous servir d’aide-de-camp. Je vous prie de croire que je porterais vos ordres avec zèle, exactitude et grand plaisir. » Et quelques jours plus tard, après une marche hardie qui forçait le prince Charles à rétrograder, « continuez, mon cher et très cher maréchal, il ne saurait vous arriver tant de bonheur, tant de gloire et tant d’honneur que je ne vous en souhaite encore davantage. » C’était, en un mot, une heure décisive ; on avait, par les seules dispositions stratégiques, obligé le prince Charles à se retirer chaque jour devant nous ; on l’avait battu presque sans coup férir, ou du moins sans rien compromettre ; on avait pris en quatre mois Anvers, Saint-Guislain, Huy, Charleroy ; on allait prendre Namur, on allait gagner la bataille de Raucoux, et c’était à ce moment que le prince de Conti obligeait Maurice de Saxe à le faire éloigner de l’armée, sa présence devenant un péril public !

La prise de Namur, la victoire de Raucoux, ce sont là en effet les événemens qui terminèrent cette mémorable campagne. Namur arbora le drapeau blanc le 10 septembre ; la forteresse, plus difficile à enlever, résista encore onze jours après la capitulation de la ville. Il y avait deux mois que l’armée du maréchal était en face de l’armée du prince Charles, occupée à la contenir, à la rejeter en arrière, à déjouer toutes ses manœuvres, à la réduire au rôle de spectatrice impuissante, tandis que s’accomplissait à l’abri de nos lignes toute une série de sièges victorieux. Namur une fois occupé par le comte de Clermont, le maréchal, heureux de la gloire de son lieutenant, put le rappeler auprès de lui avec ses troupes et marcher enfin à l’ennemi. Le prince Charles, voulant prendre ses quartiers d’hiver dans le pays wallon, espérait couper nos communications avec Liège. Maurice apprend qu’il vient de passer la Meuse : aussitôt son plan de bataille est fait. On jouait la comédie au camp, car pendant ces longs mois de marches sans combat, pendant ces opérations savantes dont les chefs seuls avaient le secret, il fallait entretenir le soldat en joyeuse humeur. C’est sur ce théâtre militaire que Favart et sa femme faisaient merveille. Pauvre littérature, dira-t-on, que cette littérature de hasard avec ses couplets mal rimés ! Elle en valait une autre à mon avis, puisque de braves gens lui ont dû quelquefois une gaîté virile et de patriotiques élans. Un soir, à la fin d’une pièce, Mme Favart, au lieu du refrain accoutumé, en-