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clairons et des trompettes. » Il savait tout le profit que sa gloire pouvait tirer de ces contrastes, et combien la surprise et l’admiration seraient grandes à Rome quand on verrait venir de si loin un traité de grammaire en même temps que l’annonce de quelque nouvelle conquête. C’est aussi la même pensée qui lui faisait souhaiter si vivement l’amitié de Cicéron. Si sa nature délicate et distinguée trouvait un grand plaisir à entretenir quelque commerce avec un homme de tant d’esprit, il n’ignorait pas non plus quelle puissance cet homme avait sur l’opinion et combien les éloges devenaient retentissans quand ils passaient par cette bouche éloquente. Nous avons perdu les lettres qu’il lui écrivait; mais comme Cicéron en était ravi et qu’il n’était pas facile à contenter, il faut croire qu’elles étaient remplies de flatteries et de caresses. Les réponses de Cicéron étaient pleines aussi des protestations les plus vives. Il déclarait à cette époque que César venait dans son affection immédiatement après ses enfans et presque sur la même ligne ; il déplorait amèrement toutes les préventions qui l’avaient jusque-là éloigné de lui, et se promettait bien de lui faire oublier qu’il était un des derniers venus dans son amitié, « J’imiterai, disait-il, les voyageurs qui se sont levés plus tard qu’ils ne voulaient : ils redoublent de vitesse et se hâtent si bien qu’ils arrivent au terme avant ceux qui ont marché une partie de la nuit. » Ils faisaient ensemble comme un assaut de coquetteries ; ils s’accablaient de complimens et se provoquaient l’un l’autre par des ouvrages en vers et en prose. En lisant les premiers récits de l’expédition de Bretagne, Cicéron s’écriait dans un transport d’enthousiasme : « Quels prodigieux événemens! quel pays! quels peuples! quelles batailles et surtout quel général! » Aussitôt il écrivait à son frère : « Donnez-moi la Bretagne à peindre, fournissez-moi les couleurs, je tiendrai le pinceau. » Et il avait sérieusement commencé sur cette conquête un poème épique que ses occupations l’empêchaient de mener aussi vite qu’il l’aurait voulu. César, de son côté, dédiait à Cicéron son traité de l’analogie, et à ce propos il lui disait dans un magnifique langage : « Vous avez découvert toutes les richesses de l’éloquence et vous vous en êtes servi le premier. À ce titre, vous avez bien mérité du nom romain et vous honorez la patrie. Vous avez obtenu la plus belle de toutes les gloires et un triomphe préférable à ceux des plus grands généraux, car il vaut bien mieux étendre les limites de l’esprit que de reculer les bornes de l’empire. » C’était là, pour un écrivain, la plus délicate des flatteries, venant d’un victorieux comme César.

Tels étaient les rapports que Cicéron entretenait avec César et ses officiers pendant la guerre des Gaules. Sa correspondance, qui nous en conserve le souvenir en nous faisant mieux connaître les goûts