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apparence les populations loyales de cette partie de la république américaine dans la confédération rebelle. Longtemps elles avaient résisté à la loi de conscription votée par le congrès de Richmond; de nombreux réfractaires, organisés par petites bandes, harcelaient les corps séparatistes, et de 15 à 18,000 jeunes gens, ayant réussi à gagner le Kentucky, s’étaient enrôlés dans les régimens du nord. Lorsque l’armée de Burnside approcha de Knoxville, presque tous les citoyens allèrent au-devant d’elle en poussant des acclamations de joie et en couvrant le chemin de fleurs sous les pas des soldats. On comprend de quelle importance est pour la cause de l’Union l’occupation permanente de cette contrée, qui joint à l’avantage d’être peuplée de patriotes celui d’occuper le centre de la confédération esclavagiste, telle qu’elle s’était constituée d’abord. Dès qu’il eut reçu la nouvelle de la prise de Cumberland-Gap, le président Lincoln fit immédiatement commencer les études du chemin de fer qui doit réunir un jour Knoxville aux cités du Kentucky.

Évidemment la confédération manquait de soldats, puisqu’après avoir perdu Vicksburg elle se laissait ainsi arracher sans combat les positions à peine moins importantes de Chattanooga et de Knoxville. Le général Lee avait massé des forces très considérables sur les bords du Rapidan et du Rappahannock, afin de protéger les abords de Richmond contre les unionistes ; mais sur tous les autres points de la frontière changeante du territoire confédéré les corps de troupes n’étaient pas assez nombreux pour résister avec succès au choc d’une puissante armée. C’était là pour les chefs du gouvernement esclavagiste une situation des plus périlleuses; ils avaient à craindre que toutes les forces éparses du sud ne fussent successivement écrasées, et qu’ils n’eussent bientôt à s’enfermer dans Richmond pour y périr. Il leur fallait donc à tout prix essayer de rétablir l’équilibre militaire en envoyant dans la Géorgie septentrionale une partie de l’armée du général Lee. Cette opération était d’ailleurs relativement facile. En effet, l’empire des planteurs est comparable, en dépit de sa grande étendue, à une place de guerre investie. Les confédérés, qui forment la garnison de cette énorme citadelle, peuvent facilement se porter d’un point à un autre, et remplacer ainsi la masse par la mobilité, tandis que les assiégeans, distribués autour de la place sur une vaste circonférence, doivent être beaucoup plus nombreux, et ne peuvent que difficilement s’entr’aider. L’armée séparatiste possède en outre le privilège de pouvoir utiliser dans ses opérations un réseau intérieur de chemins de fer très dégradés, mais encore praticables. Les fédéraux, de leur côté, n’ont à leur disposition sur le théâtre même de la guerre que des tronçons de voies ferrées brisés de distance en distance par l’ennemi. Ce sont là des avantages temporaires d’une