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teurs rebelles avait perdu 200,000 soldats et dépensé plus de 3 milliards; le monopole du coton lui était entièrement ravi; le pays s’appauvrissait à vue d’œil, les routes s’effondraient, les moyens de transport commençaient à manquer, les usines s’arrêtaient faute de travailleurs et de matières premières, les champs restaient en friche. Déjà les populations pauvres de plusieurs états, notamment celles de la Caroline du nord, qui n’avaient jamais approuvé la sécession, demandaient hautement la paix; mais les membres de l’aristocratie féodale, qui sont les véritables maîtres des états du sud, ne songèrent point à céder : résolus à ruiner leur patrie plutôt que de se soumettre, ils continuèrent la lutte avec le même acharnement que par le passé.


IV. — SIEGE DE CHARLESTON. — OPÉRATIONS MILITAIRES AUTOUR DE CHATTANOOGA ET DE KNOXVILLE.

Devenus maîtres du cours du Mississipi et désormais assurés par une victoire décisive contre toute grande invasion des états libres, les fédéraux prirent l’offensive sur presque tous les points de l’immense pourtour de la confédération esclavagiste. Les généraux des troupes unionistes qui se trouvaient sur les côtes des deux Carolines et de la Géorgie, en Tennessee, dans l’Arkansas, le Mississipi et la Louisiane, reçurent tous l’ordre de marcher en avant et d’attaquer l’ennemi. Seule, l’armée dite du Potomac dut se borner à faire bonne garde sur les rives septentrionales du Rappahannock et du Rapidan, afin de tenir en échec les mouvemens du général Lee.

Parmi les opérations militaires dirigées à la même époque contre diverses parties plus ou moins vulnérables des états du sud, la plus intéressante, à coup sûr, était l’entreprise tentée par le général Gillmore contre les abords de Charleston. Il est vrai qu’au point de vue purement stratégique cette entreprise ne pouvait guère se comparer à la mission de conquête dont le général Rosecrans était chargé au-delà des Alleghanys; mais elle promettait de former une époque mémorable dans l’histoire des sièges à cause de la puissance des engins destructeurs que les assaillans avaient à leur disposition et des énormes ressources que les difficultés du terrain et le grand nombre des batteries offraient à la défense. D’ailleurs personne n’avait oublié dans le nord que Charleston est la ville sainte des esclavagistes, celle où le drapeau de l’insurrection s’est levé pour la première fois. Si important qu’il soit pour la flotte fédérale de s’emparer du port de Charleston afin de fermer complètement le passage aux navires de contrebande, le principal but des autorités militaires de Washington était probablement de frapper un grand coup politique et