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des coins. Les chantiers sont tous à ciel ouvert et présentent un aspect particulier. Les vides immenses produits par l’exploitation affectent une forme circulaire où elliptique, et ressemblent à de vastes cratères. La couleur de la roche, rouge sombre, violacée ou noirâtre, achève l’illusion. Au pied de l’excavation et jusque sur les gradins les plus élevés sont disséminés les mineurs et les terrassiers, travaillant par compagnies ; les anciens suivaient le même système d’exploitation. Le fer étant extrait, il faut l’amener à la plage. Nous avons vu qu’à Rio on se servait d’ânes pour ce transport. À Vignena, on emploie des charrettes d’une disposition fort originale. Deux hommes tiennent chacun à la main l’extrémité d’un long brancard en bois, très flexible ; la caisse est en avant, les brancards en arrière. Entraîné par le poids qu’il porte et par la pente de la voie, habilement dirigé par les hommes, le véhicule descend rapidement au rivage, où est déposé le minerai. À Rio-Albano, où l’exploitation n’est encore ouverte que sur le littoral, on jette simplement le minerai à la côte ; à Terra-Nera fonctionnent dès charrettes comme à Vigneria ; enfin à Calamita on précipite le contenu des charrettes vers la mer d’une hauteur à pic de près de 60 mètres. Le minerai roule, se brise en chemin, s’éparpille en poussière, tombe à l’eau, la moitié est perdue. En un autre endroit, on a taillé à grands frais dans le roc une sorte de couloir étroit et profond ; à la tête de ce long boyau incliné, on vide les charrettes, et le minerai arrive ainsi sur le rivage. On en perd moins, mais ce moyen lui-même n’est ni économique, ni bien conçu. Çà et là, à Rio et à Vigneria seulement, il y a quelques tronçons de chemins de fer parcourus par des wagons.

Sur chaque mine, il existe des ponts-embarcadères au bout desquels se rangent les navires, et où les porteurs, la couffe sur le dos, viennent décharger le minerai ; mais le grand centre d’exploitation et de chargement est Rio. Dans sa rade mouillent des navires de tous les pavillons, italiens, français, anglais ; il y vient jusqu’à des bateaux à vapeur : ceux-ci sont attachés au port de Marseille pour le nolis spécial du fer. La guerre d’Amérique a amené à Rio des navires des États-Unis que la peur des corsaires empêchait de retourner dans leurs eaux, et qui se faisaient par aventure porteurs de minerai ; la guerre de Danemark, des bâtimens prussiens qui n’osaient plus franchir le Sund. Enfin la marine de Rio a vu également des Turcs, non plus pirates comme jadis, mais armateurs civilisés. L’île d’Elbe a fait récemment bon accueil au capitan levantin Achmet, pour qu’à leur tour les gens de sa nation reçussent bien les Italiens dans les échelles d’Orient.

Tous ces navires chargent du minerai et le portent surtout en