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dont elle brille, par les images qui s’y détachent sur un fond d’or, par la transparence et l’éclat de ses vitraux, par les paremens de ses autels, par ses châsses resplendissantes de pierres précieuses ? En y entrant, on se croit ravi au ciel et introduit dans une des plus belles chambres du paradis. Le palais pourrait contenir tout un peuple. Là, dans une vaste salle, sont les statues des rois de France, si vraies dans leur expression qu’on les croirait vivantes ; là aussi est cette immense table de marbre où les convives sont tournés vers l’orient, et dont la surface polie est illuminée par les rayons du soleil couchant à travers les vitraux des fenêtres opposées. Quant aux hôtels des rois, des comtes, ducs, chevaliers, barons ou des prélats de l’église, ils sont si grands, si nombreux, que, réunis à part des autres maisons, ils pourraient former une grande ville. »

Qu’on ajoute à ce tableau du palais la description telle que M. Renan la donne de l’hôtel Saint-Paul, où résidait le roi, du couvent des Célestins, du vieux Louvre, de l’hôtel d’un bourgeois, maître Jacques Duchié, en la rue des Prouvelles, etc., et il ne sera pas douteux que Paris, dans le goût du moyen âge, et même, à vrai dire, dans le goût de tous les temps, était une ville belle et ornée. À ce propos, je ne puis m’empêcher de remarquer avec regret combien Paris brillerait entre toutes les capitales, si à côté des splendeurs du temps voisin de nous il pouvait montrer un plus grand nombre d’échantillons des splendeurs du temps passé, si ses magistrats avaient de siècle en siècle mis à part et conservé quelque beau couvent, quelque bel hôtel, quelque belle maison, et si de la sorte on pouvait remonter haut dans l’histoire de cette cité qui, des villes grandies après la chute de l’empire romain, est la plus vieille et la plus noble, car elle a vaillamment combattu contre Jules César.

À ce point, M. Renan se demande pourquoi la France ne fit pas la renaissance. « Au XIe et au XIIe siècle, dit-il, la France surpasse de beaucoup l’Italie dans toutes les directions de l’art. L’Italie, à cette époque, n’avait rien à comparer à nos basiliques romanes, aux peintures de Saint-Savin, au portail de Saint-Gilles, près d’Arles. Au XIIIe siècle, la France égale encore sa rivale ; sans doute elle n’eut pas de Giotto, mais elle eut des architectes supérieurs à ceux de toute l’Europe. Au XIVe, la France est définitivement dépassée. » Pourquoi ? Il vaut la peine de chercher une réponse à cette question. M. Renan, écartant les désordres politiques qui ne furent pas moindres en Italie qu’en France, indique le grand développement des institutions républicaines en Italie et la multiplicité des petites cours italiennes, le caractère de la bourgeoisie française plus rangé que celui de la bourgeoisie italienne, le catholicisme français plus triste et plus austère que celui de l’Italie, plus d’élégance dans