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publicité avant qu’une seule route carrossable conduise à leurs établissemens.

De même que les communes du Médoc landais et du pays de Buch, celles du Marensin doivent leur bien-être actuel à la valeur croissante des résines. Les municipalités qui possédaient de vastes étendues de landes rases et qui en ont aliéné une partie pour ensemencer de pins ce qui leur reste s’enrichissent rapidement ; leurs finances sont dans l’état le plus prospère et pourraient faire envie à toutes nos grandes villes. C’est ainsi que le village de Soustons, après avoir vendu quelques biens communaux et des laisses d’étang pour une somme de 180,000 fr., est devenu propriétaire de semis de pins qui pouvaient lui donner, dans un avenir prochain, aux prix actuels de la résine, un revenu annuel d’environ 200,000 francs. Aussi le village se transforme-t-il à vue d’œil. Divers édifices municipaux d’une remarquable propreté se construisent au centre du bourg ; de belles avenues d’arbres rayonnent en tous sens ; de grandes routes, aussitôt animées par de nombreuses voitures, sont ouvertes dans la direction des villages environnans. Les communes qui ne possédaient pas de landes rases, et dont le territoire, consistant en forêts de pins, était déjà divisé, sont restées relativement pauvres ; en revanche, chaque propriétaire s’est d’autant plus enrichi par la plus-value soudaine de sa parcelle de forêt. Cette richesse, on la voit s’épancher, par quatre ou cinq blessures, du pied de tous les grands pins ; mais, il faut le dire, la plupart des propriétaires font preuve de la plus grande imprévoyance dans l’administration de leur fortune. Excités à la vue de l’argent que leur vaut la récolte annuelle de résine, ils demandent immédiatement à la forêt tout ce qu’elle peut donner, et font exploiter leurs arbres à outrance, sans songer qu’en tuant le pin ils se condamnent à n’avoir ni résine ni revenu pendant une vingtaine d’années. C’est un spectacle navrant que celui de la plupart des grandes forêts du Marensin. Parfois, sur un espace de plusieurs lieues carrées, on ne voit que des arbres gemmés à mort. Les troncs, auxquels la hache du résinier a donné sur une hauteur de plusieurs mètres une forme prismatique, sont tous entourés de gouttières en fer-blanc et de godets en terre dans lesquels la vie de l’arbre s’écoule perle à perle. La forêt tout entière est tuée systématiquement par les propriétaires eux-mêmes, et pourtant elle est dans sa grande force de production, et, bien aménagée, elle pourrait encore fournir des revenus considérables pendant un quart de siècle. Il est presque inutile d’ajouter qu’un grand nombre de propriétaires se sont montrés aussi avides dans les conditions imposées par eux aux travailleurs que dans l’exploitation de leurs pins. Pendant longtemps, tous les résiniers ont été métayers, c’est-à-dire qu’ils partageaient la résine par