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parut nullement incommodée. Pendant la première minute, elle marcha tranquillement ; pendant la deuxième minute, elle resta calme et becqueta la terre. Moins d’une demi-minute après, elle ouvrit et ferma souvent le bec ; sa queue était abaissée, et ses ailes tombaient presque à terre. À la fin de la troisième minute, elle était courbée, ne pouvant plus soutenir sa tête, qui tombait, se relevait, et chaque fois tombait plus bas, comme celle d’un voyageur fatigué qui sommeille debout ; ses yeux s’ouvraient et se fermaient. Au bout de cinq minutes, la poule était morte. » Dans un autre exemple, il s’agit d’un paresseux dont la vie céda sans le moindre combat apparent, sans un cri ni un gémissement. C’était un aï ou paresseux à trois doigts ; il appartenait à un naturaliste qui, voulant le tuer pour conserver sa peau, avait eu recours au curare. L’aï fut blessé à la jambe et mis sur le plancher, à peu de distance d’une table. Il s’efforça d’en atteindre le pied et s’y accrocha, comme s’il eût voulu monter ; mais ce furent ses derniers efforts : sa vie s’éteignit rapidement, quoique graduellement… D’abord une de ses jambes de devant lâcha prise et tomba de côté, incapable de se mouvoir ; l’autre fit bientôt de même. Les membres antérieurs ayant perdu toute force, le paresseux se coucha lentement et mit sa tête entre ses jambes de derrière, qui tenaient encore à la table ; mais lorsqu’elles furent atteintes à leur tour, il tomba à terre si doucement qu’on n’eût pas pu distinguer cette chute d’un mouvement ordinaire. Si l’on avait ignoré la circonstance de sa blessure, où n’eût jamais pensé qu’il succombait. La bouche était fermée ; on n’y voyait ni écume, ni salive. On n’observa ni tressaillement, ni altération visible de la respiration. Au bout de dix minutes, il fit un léger mouvement, et une minute après il était mort. « En un mot, dit Waterton, depuis le moment où l’action du poison commença à se montrer chez le paresseux, on aurait cru que le sommeil l’accablait. »

Waterton nous donne encore le récit de la mort d’un homme empoisonné par le curare. Deux Indiens couraient la forêt pour chercher du gibier. L’un d’eux prit une flèche empoisonnée et la lança sur un singe rouge qui était au-dessus de lui, dans un arbre. Le coup était presque perpendiculaire. La flèche manqua le singe, et en retombant frappa l’Indien au bras, un peu au-dessus du coude. Il fut convaincu que tout était fini pour lui. « Jamais, dit-il à son camarade d’une voix entrecoupée et regardant son arc pendant qu’il parlait, jamais je ne banderai plus cet arc. » Ayant dit ces mots, il ôta la petite boîte de bambou contenant le poison qui était suspendue à son épaule, et, l’ayant mise à terre avec son arc et ses flèches, il s’étendit auprès, dit adieu à son compagnon et cessa de parler pour toujours. « Ce sera une consolation pour les