Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

acte du parlement introduisit une certaine uniformité dans l’administration des light-houses et réduisit les droits de péage, tolls. Cet acte décida que tous les intérêts du souverain relatifs à la question des phares passeraient entre les mains de Trinity House moyennant une somme de 300,000 livres sterling (7,500,000 fr.) une fois payée aux commissaires de la couronne. Il autorisa aussi la corporation à racheter les light-houses qui appartenaient à des particuliers, et en cas de contestation la valeur de ces propriétés devait être fixée par un jury. C’est alors qu’éclatèrent surtout aux yeux du pays les abus de l’ancien ordre de choses. Un des propriétaires ne rougissait point de demander pour un roc stérile situé au milieu de l’Océan et couvert d’une masure la somme étourdissante de 550,000 livres sterling (13,750,000 francs) ; il finissait par accepter en soupirant 400,000 livres sterling (10 millions de francs). La source de ces immenses profits était évidemment dans les impôts prélevés sur la navigation. Les light-houses tenues par les particuliers frappaient alors les navires d’un droit de 2 deniers par tonne. Depuis que ces mêmes phares appartiennent à Trinity House, les droits de péage varient entre un demi-farthing (liard) et 1 denier. Et pourtant les frais d’éclairage, par conséquent le volume de la lumière, ont beaucoup augmenté sous le nouveau régime. Le phare de Smalls-Rock, au-dessus du canal de Bristol, n’usait que deux cents gallons d’huile par an quand il était entre les mains de l’industrie privée ; il en consume aujourd’hui quinze cents gallons. On aperçoit d’ici les services qu’a rendus sous ce rapport à la navigation Trinity House. Le prélèvement des droits de péage constitue néanmoins une branche très importante de son revenu : c’est avec cet argent, comme aussi avec la vente du lest pour les navires et le produit de ses terres, les unes achetées, les autres laissées à titre de legs, que la société fait face à toutes ses dépenses. Une de ses principales charges est la construction et l’entretien des phares et des autres signaux de reconnaissance qui avertissent sur mer les vaisseaux. Elle applique aussi une grande partie de ses fonds à des œuvres de charité, et c’est à ce titre qu’elle a été exemptée, ainsi que les hôpitaux en Angleterre, des taxes publiques. Au point de vue civil, Trinity House constitue un lien entre l’amirauté et la marine marchande. Indépendante de l’état, mais attirant dans son sein les gloires et les influences du gouvernement, appuyée d’ailleurs sur des chartes qui lui assurent une autorité légitime et suffisamment étendue, elle est le type de ces institutions vraiment anglaises dans lesquelles le pouvoir donne pour ainsi dire la main à la liberté.

Ce qu’est à l’Angleterre Trinity House, une confrérie de marins