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idéale. Des proportions ordinaires, arithmétiques ou géométriques, elle s’était par exemple élevée à ce que l’on nomme la proportion harmonique, combinaison de grandeurs qui n’a aucun emploi quotidien, et qui n’a que des propriétés transcendantes propres à satisfaire l’esthétique innée de l’esprit humain. Pythagore et son école prenaient un plaisir singulier à rechercher les propriétés des nombres tout, à fait indépendantes du système de numération, ils aimaient à établir des séries, ou suites de nombres et à en rattacher les termes par quelque loi particulière. Ils distinguaient les nombres premiers, qu’ils nommaient linéaires, parce que, n’ayant qu’un seul facteur, ils représentent géométriquement des longueurs, les nombres-surfaces, c’est-à-dire formés par le produit de deux facteurs, les nombres corporels ou à trois dimensions (ou trois facteurs). Ils avaient dans les séries des nombres découvert des rapports extrêmement curieux, tels par exemple que celui qu’exprime l’Epanthème de Thymaridas, l’un des disciples immédiats du maître. Ils connaissaient les nombres dits quadratiques, les nombres triangulaires, les nombres pyramidaux, etc. C’est par l’analyse des propriétés des nombres que Pythagore fut conduit à son fameux théorème géométrique du carré de l’hypothénuse. Remarquant que la somme de 9, carré de 3 et de 16, carré de 4, est égale à 25, carré de 5, il chercha l’interprétation géométrique de cette propriété sur le triangle rectangle dont les trois côtés sont égaux à 3, à 4 et à 5. Il vérifia ensuite que dans tous les triangles rectangles, quelle que soit la longueur des côtés, le carré fait sur l’hypothénuse est égal à la somme des carrés faits sur les deux autres côtés. Il semble du moins extrêmement probable que l’arithmétique conduisit Pythagore à ce beau théorème, car on n’en connaît plus la démonstration géométrique originale, et les géomètres modernes le démontrent de façons très diverses. En envisageant par un procédé inverse le théorème géométrique au point de vue arithmétique, Pythagore se trouva conduit aux racines des nombres qui ne sont point carrés parfaits, c’est-à-dire aux quantités dites irrationnelles, que l’on ne peut exprimer exactement avec des nombres, et que la science est obligée de symboliser d’une manière particulière. En traitant enfin son théorème au point de vue algébrique, Pythagore se vit amené à poser, la première équation des indéterminées du second degré ; il en fournit une solution, et plus tard Archytas, un de ses disciples, devait en trouver une autre.

La simple indication de ces problèmes montre assez que, du premier coup en quelque sorte, Pythagore avait porté l’arithmétique à des hauteurs où aujourd’hui même n’atteignent que les esprits d’élite. L’échafaudage presque entier de la science des nombres fut