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bornent pas à l’enseignement ; elles visitent les malades, entretiennent le linge, les ornemens, le menu mobilier de l’église, font un peu de pharmacie et se mettent au service du curé pour toute sorte de bonnes œuvres.

Outre le désir d’avoir une école portant en quelque sorte, par la qualité des maîtresses, enseigne de catholicisme, et dont il est le régulateur et le directeur presque souverain, le curé est naturellement charmé d’avoir des sœurs dans sa paroisse. Ce sont en beaucoup de choses d’utiles auxiliaires. Il considère d’ailleurs comme une œuvre pie de rendre service aux communautés besoigneuses, qui ont des sœurs inoccupées. Il est rare qu’une religieuse aille s’établir seule dans une paroisse ; il en faut prendre deux, quelquefois trois ou davantage. Elles ont beau se contenter de peu, ce peu est encore une difficulté pour une commune pauvre. On aurait une maîtresse laïque à meilleur marché ; mais une maîtresse laïque est presque introuvable pour les petites localités. À qui la demander ? Aux élèves-maîtresses de l’école normale ou des cours normaux ? Elles refuseraient. Supposons qu’elles acceptent, c’est en attendant mieux. On ne peut pas non plus prendre une toute jeune fille, si elle n’est pas de la commune. Au-dessus de la question de capacité, il y a les mœurs. Une fille peut se marier, une femme doit suivre la fortune de son mari. Mille raisons obligent les communes à appeler des religieuses ou à se passer d’institutrices. Même dans les communes riches, où l’on peut compter sur beaucoup d’élèves et sur une rétribution mensuelle élevée, il faut l’assentiment du curé pour donner l’école à une maîtresse laïque, car, s’il juge à propos d’appeler des religieuses et de donner un mot d’ordre, l’école communale sera désertée. Et alors que deviendra le conseil municipal ? S’il s’obstine à maintenir l’institutrice qu’il a nommée, il faut qu’il établisse la gratuité absolue pour les élèves, qu’il remplace le produit des rétributions mensuelles par une allocation élevée, et peut-être avec tout cela n’arrivera-t-il qu’à payer très cher une maîtresse qui ne fera rien, et qui verra faire sous ses yeux toute la besogne par ses rivales.

La conséquence de cet état de choses est que les trois quarts des garçons sont élevés par des laïques, et plus de la moitié des filles par des religieuses[1]. Or il faut se souvenir que 360,000 filles à

  1. Sur 13,766 écoles publiques de filles, il y a 7,861 écoles congréganistes et 5,905 écoles laïques. La proportion est toute différente pour les garçons. Sur 37,874 écoles publiques, 34,873 sont tenues par des laïques, et 3,001 par des religieux. Si maintenant nous comptons les écoles privées, nous trouvons qu’il n’y a dans toute la France que 3,553 écoles privées pour les garçons, savoir 3,023 laïques et 530 congréganistes,