Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

11 octobre 1726, les ministres saxons, réunis en conseil, prononcèrent à l’unanimité « qu’il n’y avait plus aucune espérance de soutenir l’affaire. » On formula, séance tenante, un rescrit officiel par lequel le roi ordonnait à Maurice de quitter la Courlande et de déclarer aux Courlandais qu’ils n’avaient plus à compter sur lui. Ordre lui était signifié en même temps d’envoyer au gouvernement l’acte de la diète de Mitau qui constatait l’élection du 28 juin. Le roi ajoutait ces mots écrits de sa propre main : « C’est tout de bon que je vous demande l’acte de votre élection, et je vous dédommagerai d’une autre manière du sacrifice que vous me ferez en cela. » Les amis de Maurice, surtout le comte et la comtesse de Pociey, allèrent se jeter aux pieds de Flemming, le suppliant de tenir bon et de « sauver le comte de Saxe de toutes les infamies dont on le menaçait. » On pense bien que tout fut inutile. Flemming avait pu se soumettre un instant au désir du roi ; au fond, il n’était pas fâché de ce résultat, et comment ne pas deviner sur ses lèvres le méchant sourire d’un ennemi, quand il écrit au prince royal Frédéric-Auguste : « Mme Pociey me parla en français pendant que son mari me parlait en latin, tous deux à la fois, de manière que je ne compris rien. » Sa joie secrète éclate encore non plus d’une façon piquante, mais avec une emphase vraiment bouffonne, lorsqu’il rédige en ces termes le discours que le chambellan Grabowski devait prononcera la diète polonaise de Grodno : « Que ne fait le roi ! Il agit non-seulement en véritable roi en nous faisant voir comment sur toutes choses il chérit son peuple, mais il agit encore en républicain, en Brutus, — ce Romain, ce grand républicain ! Comme lui, il abandonne son fils à son peuple. Ce prince ne se contente pas d’être orthodoxe par rapport à la foi, il l’est aussi par rapport aux lois. Donnons-lui dès à présent le surnom de roi républicain ! »

Pendant ce temps-là, Maurice, confiant dans les bonnes dispositions du roi, s’était approché des frontières de Pologne, afin de répondre sans retard au premier appel. Il fallait qu’il pût se porter de sa personne auprès des seigneurs polonais, se montrer, se faire entendre, déjouer les intrigues. Flemming lui fait dire de s’arrêter à Covenau ; c’est là qu’il attendait les messages du roi quand il reçut comme un coup de foudre la sommation du 11 octobre. Exprimer sa surprise, sa colère, serait chose impossible. Huit jours après, quand il annonce l’aventure au comte de Friesen, sa main tremble encore, son sang bouillonne, il a cent argumens pour condammer la politique du roi, et dans la précipitation qui l’emporte on dirait que les mots et les idées s’embrouillent en son grimoire plus indéchiffrable que jamais.


« D’auprès de Grodno, le 20 octobre.

« Le feld-maréchal m’a servi un plat de sa façon : mon élection a été