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Auguste chargea Flemming de lui tracer un plan de conduite, afin de concilier, s’il était possible, le secret désir de son cœur et les nécessités de la situation. Ce plan, que nous avons sous les yeux, peut se réduire à ceci : les députés courlandais mandés en Pologne par les magnats et le ministère n’auront jamais l’air de compter sur l’appui du roi ; ils viendront en solliciteurs, se faisant aussi humbles qu’ils le pourront ; Maurice, de son côté, sollicitera de la république l’autorisation d’accepter l’honneur à lui déféré par la diète de Mitau ; les femmes garderont le silence, « car si elles parlaient pour l’affaire, elles feraient parler le roi malgré lui, ce qui aurait un mauvais effet. » Enfin le roi ne cessera de répéter qu’il est le gardien des droits de la république, et que ces droits ne subiront aucune atteinte. Seulement le roi aura soin d’ajouter : « La Courlande est sous notre protection, la Courlande se plaint ; ne convient-il pas d’écouter sa requête ? Que gagnerait-on d’ailleurs à pousser les Courlandais au désespoir ? » Après avoir tenu ce langage aux magnats en général, le roi dirait confidentiellement aux membres du ministère : « C’est contre ma volonté expresse que le comte de Saxe s’est jeté dans cette entreprise ; aujourd’hui toutefois, puisque l’affaire est aussi avancée, je verrais le succès de Maurice avec plaisir, pourvu qu’il n’en coûtât rien aux intérêts de la république. » On tâcherait ainsi d’amener les seigneurs polonais à ratifier l’élection de Mitau, ou bien, si l’on ne pouvait ratifier un vote qu’on avait déjà déclaré illégal, la république affirmerait son droit en déférant elle-même le gouvernement de la Courlande à l’électeur de Saxe, et celui-ci serait autorisé à se choisir un lieutenant « de la religion du pays, avec la qualité de prince, qui le gouvernerait dans les formes requises, in fundamento pactorum subjectionis. » En dernier lieu, dans le cas où la république, repoussant toutes ces propositions, exigerait absolument le partage de la Courlande en palatinats, on demanderait au moins qu’un de ces palatinats fût donné à Maurice.

Le roi de Pologne essaya en vain de faire triompher cette politique. Il eut beau déployer toutes les ressources de sa parole dans un entretien fort curieux avec l’évêque de Cracovie (30 septembre 1726), entretien dont le comte de Flemming a eu soin de rédiger tous les détails, l’évêque, comme les principaux seigneurs, opposa une résistance invincible aux argumens du roi. Les adhérens de Maurice, parmi la noblesse polonaise, ne formaient décidément qu’une minorité insignifiante. Impossible d’insister davantage, c’eût été risquer une guerre civile ou plutôt une insurrection de la Pologne tout entière, comme celle qui avait eu lieu à l’approche de Charles, XII, et cela au moment où le protégé de Charles XII, Stanislas Leczinski, aspirait encore à ce trône qu’il avait occupé. Le