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de l’armée de terre et de mer ont une remise d’un tiers sur le prix d’achat.

Les parlemens des quatre principales provinces, Nouvelle-Galles du Sud, Terre-de-la-Reine, Victoria et Australie méridionale, ont successivement voté, à quelques modifications près, les mesures qui viennent d’être exposées. L’Australie occidentale conserve seule les anciens erremens ; cette province est aussi la seule qui ne jouisse pas encore d’un gouvernement représentatif. L’immense étendue de territoires déserts qu’elle possède et le peu d’activité de l’immigration y éloignent sans doute pour longtemps.encore la crise que la question des terres domaniales a soulevée dans les autres parties du continent.

Le but que les gouvernemens coloniaux se sont proposé d’atteindre en édictant ces lois est d’assujettir les squatters à des contributions mieux proportionnées avec les produits qu’ils obtiennent de leurs troupeaux, de leur enlever un privilège trop exclusif sur les terrains dont ils étaient détenteurs et tout à la fois de leur assurer la sécurité d’une jouissance assez prolongée pour que leur industrie ne soit pas compromise, enfin de livrer à l’agriculture tout l’espace dont elle a besoin. Les dispositions nouvelles produiront-elles le résultat désiré ? Il paraît certain que ceux dont les runs ont été compris, en totalité ou en partie, dans les réserves agricoles les plus voisines des villes sont grièvement atteints. Il y a toujours dans l’application d’une réforme des injustices individuelles ; mais l’industrie pastorale, prise en masse, n’en souffrira pas. Elle sera seulement refoulée peu à peu vers les territoires inoccupés, et ceux-ci sont assez larges pour qu’on n’ait pas à songer de longtemps à restreindre le nombre ou l’étendue des stations de moutons. Quant aux cultivateurs, le gouvernement peut leur offrir maintenant plus de terres qu’il ne leur en faut[1]. Les réserves agricoles sont suffisantes pour que l’établissement d’une population sédentaire ne rencontre plus d’obstacle. Les émigrans nouvellement débarqués n’ont plus à attendre, ainsi qu’il arrivait jadis, le moment d’une vente, ni à craindre les hasards d’une adjudication au plus offrant enchérisseur. Ils se mettent sans aucun retard en possession du sol. C’est

  1. Pour la province de Victoria, qui est renfermée dans des limites bien définies, voici la situation actuelle de la propriété territoriale. La colonie a une surface d’environ 22 millions d’hectares, dont 5 millions en montagnes inaccessibles, landes couvertes de broussailles (mallee scrub), lacs et marécages dont il est impossible de tirer parti. Des 17 millions restans, il y en a 600,000 réservés pour les communaux, 1,800,000 vendus en toute propriété, 200,000 en terrains aurifères, 14 millions occupés par le squattage à titre de concession provisoire et 400,000 encore libres. Sur les 14 millions d’hectares qui sont abandonnés aux troupeaux pour le moment, 10 millions ont été déclarés propres à l’agriculture ; ils sont déjà cadastrés ou en voie de l’être prochainement, et seront immédiatement disponibles pour la colonisation agricole. Les acquéreurs n’ont qu’à se présenter en désignant les lots qui leur conviennent Dans un avenir qui peut être assez rapproché, le squattage n’aura donc plus à sa disposition que la moitié du pays, et la moitié la plus stérile. Dans les autres provinces, qui ne sont séparées du désert que par des frontières de convention, les troupeaux ont plus d’espace, et peuvent reculer dans le bush à mesure que l’agriculture envahit les terrains qu’ils occupaient.