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à Urondogani ainsi qu’à la chute du Ripon, et que cette diminution dans le volume de ses eaux qu’il a signalée doit être attribuée à d’autres causes que celles qu’il mentionne. Il ne pouvait pas d’ailleurs apprécier avec quelque exactitude ce phénomène, puisqu’il n’a jamais exécuté de sondages. Il est difficile de mesurer à première vue, et en restant sur les rives, la masse liquide qu’un fleuve charrie. La profondeur du lit, la perpendiculaire plus ou moins grande des bords, les cavités qu’ils peuvent avoir, sont des faits qui échappent au coup d’œil et qui appartiennent au domaine de l’expérience.

Nous venons de parler de la gloire du capitaine Speke comme si elle était sérieusement engagée dans la solution de ces difficultés. Cette gloire restera intacte quand bien même de récentes découvertes modifieraient sensiblement le tracé qu’il nous a donné du Nil. Dans les travaux de cette nature, c’est à celui qui a ouvert la voie qu’appartient le principal honneur, car c’est au péril de sa vie qu’il a signalé à ses successeurs la route qu’ils devront suivre pour arriver le plus promptement au but. Ce sont les premiers voyageurs dans les contrées inexplorées et inconnues qui ont la difficile tâche d’apaiser les craintes superstitieuses des sauvages, de faire taire leurs méfiances, de dompter leur cruauté. Aussi l’histoire, quand elle fait le tableau des progrès et des conquêtes de la science, n’oublie-t-elle jamais ces hommes courageux qui ont été lui ouvrir au milieu de tant de dangers de nouveaux horizons.

Des réflexions qui précèdent, on peut conclure que le problème posé depuis bientôt deux mille ans n’a pas reçu sa dernière solution. Quelques obscurités qui subsistent encore sollicitent de nouveaux efforts et appellent d’autres explorateurs à l’œuvre. La France ne devrait-elle pas intervenir pour mettre un terme à toute incertitude ? Ce ne sont pas les talens qui lui manquent, ni le courage qui lui fait défaut. Dans le grand combat que la civilisation livre à la barbarie, elle n’a pas l’habitude de se tenir à l’arrière-garde. Que la France prenne donc sa part des travaux d’exploration qui s’accomplissent sur les rives lointaines du Nil. Une fraction de l’Afrique septentrionale lui appartient ; pourquoi ne se préoccuperait-elle pas de toutes les recherches qui se rattachent à ce vaste continent, quand surtout elles ont pour but d’en relier le centre avec le littoral méditerranéen ? Le temps n’est pas éloigné où ce fleuve, délivré des obstacles qui embarrassent sa marche, sera la grande artère qui unira notre Europe avec ces régions des grands lacs et ces contrées subéquatoriales sur lesquelles la nature prodigue ses plus riches trésors.


C. CAILLIATTE.