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crayon. Le Nil et quelques rares monticules y rompent seuls la monotonie du paysage. Près de l’équateur, le. fleuve est encore à près de 3,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, mais sa déclivité vers le nord est assez rapide, A Paira, dans le Madi, la plus éloignée des dépendances de la couronne de Kamrasi, l’élévation du terrain n’est plus que des deux tiers. Le thermomètre a donné une moyenne de 23 degrés, cependant la température s’élevait au fur et à mesure qu’ils descendaient le plateau subéquatorial.

Ils mirent quinze jours à faire une centaine de kilomètres, ayant été arrêtés, tantôt par Budja, le chef de leur escorte, qui les suppliait de revenir auprès de Mtesa, tantôt par Kamrasi, qui ne tenait pas à ce qu’ils arrivassent avec cette même escorte, et qui espérait, à force d’ordres et de contre-ordres, la fatiguer et l’obliger à sortir de son royaume. Il réussit. Budja laissa les deux voyageurs et emmena vingt-huit wanguanas armés qui abandonnèrent lâchement leur maître, parce qu’ils le croyaient en danger, après l’avoir suivi pendant deux ans. Le 8 septembre, ils arrivèrent à la résidence de Kamrasi, située sous le 1° 38’ de latitude nord et le 29° 54’ de longitude est. Elle s’élève à la jonction du Mwarango, que les Wanyoros (habitans de l’Unyoro) appellent Kafu, et du Nil, et se compose d’un groupe de huttes d’une construction lourde, larges à la base, aplaties au sommet et dépourvues de toute proportion. Après un moment d’attente, un officier arriva qui les conduisit à leur logement, C’étaient de misérables cases construites au beau milieu du Kafu et d’une révoltante malpropreté. En s’apercevant de la pénible impression que la vue de ces tristes réduits faisait sur les voyageurs, l’officier voulut bien leur promettre qu’on leur en fournirait de meilleures. Ils restèrent dix jours sans pouvoir, obtenir une audience du roi, malgré des demandes réitérées. Ainsi le voulait sans doute l’étiquette ; mais, pour les engager à prendre patience, le roi chargeait chaque matin un de ses pages de leur dire « qu’il entendait leur cri, » c’est-à-dire qu’il prenait un sérieux intérêt à leur bien-être. Comme il faisait appeler chaque jour Bombay et s’entretenait volontiers avec lui, le capitaine lui fit dire que, s’il avait quelque répugnance à les recevoir parce qu’ils étaient blancs, ils.se noirciraient le visage et se couperaient les cheveux, ou bien, s’il l’aimait mieux, ils lui enverraient leurs présens et partiraient pour Gani.

Un prompt départ n’aurait pas fait le compte de Kamrasi : s’il n’était pas cruel comme Mtesa, il était en revanche la rapacité incarnée. Il espérait faire payer un peu cher à ces deux étrangers une hospitalité dont ceux-ci se seraient fort bien passés. Le lendemain, il les reçut en audience solennelle, majestueusement assis sur un trône, qui n’était autre qu’un escabeau placé sur un tas de foin, recouvert