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au premier gantier de Paris. Ils étaient coiffés de turbans ornés de défenses de sangliers parfaitement polies, de fausses perles, de jolis coquillages et de baguettes magiques, le tout fort artistement arrangé. Ils avaient en outre aux bras, au cou et au-dessus de la cheville des colliers, des bagues, des anneaux et autres ornemens qui leur servaient aussi de talismans.

L’entrée du palais surprit le voyageur par ses imposantes dimensions et un aspect d’excessive propreté. De la base au sommet de la colline, il ne voyait que des huttes aux toits parfaitement unis. De hautes palissades faites d’un roseau du pays dont la couleur tire sur le jaune les entouraient tantôt en groupe, tantôt isolément, selon le caractère et les fonctions des personnes qui les habitaient. Les huttes des femmes étaient sur une ligne continue ; elles en renfermaient trois ou quatre cents, qui ne formaient qu’une partie du harem : le reste se trouvait dans le palais de la reine-mère. Elles étaient par groupes, regardant avec le plus vif intérêt l’étranger et sa suite, riant et échangeant mutuellement leurs remarques. Un officier se trouvait à chaque porte par laquelle le visiteur devait passer, chargé de la lui ouvrir et de la fermer immédiatement. Après un conflit avec le maître des cérémonies, qui voulait lui interdire l’usage de son pliant, conflit d’où le capitaine sortit vainqueur, car il lui importait de ne pas se laisser traiter en sujet, il fut introduit dans la partie du palais où le roi se trouvait avec toute sa cour. Il y entra le chapeau à la main, suivi de sa garde d’honneur et des hommes qui portaient les présens. Il n’alla pas directement vers le monarque africain ; il s’arrêta derrière l’hémicycle que formaient les courtisans en face du trône. On l’invita à s’asseoir ; mais comme il était exposé aux rayons d’un soleil brûlant, il mit son chapeau et ouvrit son parasol, au grand ébahissement de toute la cour. La scène était dramatique. Il avait devant lui un jeune homme de vingt-cinq ans, d’une figure assez agréable, d’une taille élevée. Sa personne présentait quelque chose de soigné et d’élégant. Il portait à la main un mouchoir bien plié, et un autre en soie brodée d’or dont il se servait soit pour se cacher la bouche quand il riait, soit pour se l’essuyer après avoir bu du vin de bananes, que ses dames d’honneur, qui étaient tout à la fois ses sœurs et ses femmes, lui offraient dans de petites calebasses. Son trône était un banc de gazon fort bien arrangé sur lequel on avait étendu une couverture rouge. Il avait auprès de lui plusieurs généraux avec lesquels il échangeait quelques paroles. On invita enfin le capitaine à s’asseoir dans le centre du demi-cercle. Le sol était tapissé de peaux de léopards. Le roi et lui se regardèrent pendant une grande heure au milieu d’un silence que le premier seul interrompait de temps en temps en adressant quelques mots aux personnes qui étaient près