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naissaient le pays, lui dirent que ces eaux venaient du lac et allaient rejoindre le Nil, non loin de la résidence du roi de l’Unyoro.

Ce fut le 19 février que la petite troupe atteignit la résidence du roi Mtesa, véritable Versailles de l’Uganda, située dans la province de Bandawarogo, sous le 0° 21′ 19″ de latitude nord et le 30° 18′ de longitude est. Ce palais, car il faut bien lui donner, un nom quelconque, occupe une colline tout entière ; il est divisé comme un damier et se compose d’une multitude de huttes gigantesques. Le capitaine n’en avait jamais vu de semblables en Afrique. L’ensemble de cette demeure offrait un spectacle vraiment grandiose. Speke annonça son arrivée par une décharge de mousqueterie. Un officier vint lui dire que le mauvais temps s’opposait à ce que le roi tînt un lever pour le recevoir, que la présentation aurait lieu sans doute le lendemain. Il le conduisit ensuite aux huttes réservées pour les étrangers. Comme elles étaient fort sales, le capitaine Speke fit observer qu’il n’était pas un marchand, mais bien un prince du sang royal, et que sa demeure devait être dans l’enceinte du palais ; sinon, il s’en retournerait sans voir le roi. L’officier se jeta à ses genoux et le supplia de vouloir bien se contenter pour le moment de cet abri, ajoutant que le roi, dès qu’il connaîtrait son rang, lui donnerait là-dessus pleine satisfaction.

Dans la prévision d’une réception officielle, et sachant combien les rois nègres, surtout quand ils proviennent d’une greffe abyssinienne, aiment l’étiquette et les cérémonies d’apparat, le capitaine Speke avait distribuée chacun de ses wanguanas un fez et de la cotonnade rouge dont ils s’étaient fait des uniformes, et les avait formés en gardes d’honneur. Le 20, jour fixé pour l’audience royale, Speke choisit les présens qu’il voulait faire à sa majesté wahuma : une grande boîte en étain, quatre coupons d’une belle étoffe en soie, une carabine, un chronomètre en or, un revolver, trois fusils de chasse, trois sabres-baïonnettes, trois boîtes pleines de poudre et des capsules, un télescope, un pliant en fer, dix grosses de ses plus belles verroteries et douze couverts. On s’achemina vers le palais dans l’ordre suivant : les deux officiers de l’escorte, les pages envoyés par le roi, le kirangosi ou guide portant le pavillon anglais, la garde d’honneur en tuniques rouges, l’arme sous le bras et la baïonnette au bout du fusil ; puis venaient les hommes qui portaient les présens ; le capitaine se tenait en dehors de la ligne. En les voyant passer, les courtisans criaient : Irungi ! irungi ! magnifique ! Magnifique ! Eux-mêmes étaient cependant vêtus avec une véritable élégance : ils portaient un grand manteau d’écorce ressemblant à un beau velours jaune gaufré, et sur ce premier vêtement, en guise de surtout, un second manteau de petites peaux d’antilopes cousues ; ensemble avec une habileté qui aurait fait honneur