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blancs et moitié noirs, avec des cheveux lisses du côté blanc et frisés du côté noir. Cet empire de Kittara, après une longue série d’événemens, s’est fractionné en trois royaumes : le Karagué, que nous connaissons, l’Uganda, qu’il reste à étudier, et l’Unyoro, qui est le plus considérable des trois, et borne le second au nord et à l’ouest ; C’est vers l’Uganda que la recherche des sources du Nil conduisait le capitaine Speke. L’Uganda, où le voyageur anglais allait être interné pendant six mois, est un petit état nègre qui doit sa puissance relative à l’effroi qu’il inspire à ses voisins, à la sauvage et intelligente énergie qu’a déployée un des ancêtres de Mtesa, appelé Kimera, à l’institution d’une noblesse, les wakungou, tenue de prêter au trône une obéissance absolue, enfin à des institutions draconiennes.

Les coutumes traditionnelles qui sont en vigueur à la cour d’Uganda révèlent un esprit organisateur qui a travaillé dans une nuit profonde et sur une matière qui ne pouvait devenir malléable qu’à grands coups de marteau. Le nègre ne comprend pas un pouvoir mitigé et contrôlé. Pour lui, le pouvoir est absolu ou il n’est pas. Une volonté n’est forte que par la variété, la promptitude et le nombre de ses décisions. La discipline de la cour de l’Uganda ne s’accorde que trop avec cette disposition de la race. Rien de plus bizarre que la composition du conseil royal ; il est formé d’abord du général en chef, puis de la femme qui a eu le rare bonheur de couper le cordon ombilical du roi. Après ces deux personnages viennent le coiffeur, les gouverneurs des provinces, l’amiral, le porteur des dépêches, le bourreau, l’inspecteur des tombeaux, le brasseur et le cuisinier. À ces fonctionnaires il faut ajouter une multitude de pages, les chefs de la garde royale et celui qui dirige la police dans le vaste enclos royal. Tous les membres de la noblesse, quelles que soient leurs fonctions, doivent se rendre de temps en temps à la cour pour présenter leurs hommages au roi. Une absence prolongée et non motivée accuserait une indifférence coupable et pourrait être sévèrement punie. Malheur à celui qui ne porte pas l’habit officiel ou qui est négligé dans sa toilette ! Il court risque de perdre la tête. Les décisions royales, qu’elles vous apportent une récompense ou vous préparent un châtiment, doivent être reçues avec reconnaissance. Cette reconnaissance s’exprime en rampant les bras étendus devant le roi et en remuant le corps comme le chien qui manifeste sa joie. À ces mouvemens il faut ajouter une répétition sans fin du mot nyanzig. Toucher accidentellement le trône ou les habits du roi, regarder une de ses femmes, entraîne la peine capitale. Quand le roi veut donner des ordres, il tient un grand lever, selon l’expression du capitaine Speke. Le roi s’assied sur son trône avec un grand appareil. À côté de lui sont des prêtresses, dont les seules