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lui fournir des renseignemens sur le chemin qu’il devait suivre et les pays qu’il devait parcourir. Quand il visitait les parties les plus reculées de son royaume, Rumanika emmenait Speke avec lui, pour que l’officier anglais pût agrandir la sphère de sa propre expérience C’est dans une de ces tournées que le capitaine découvrit, à l’ouest du Kishakka, le mont Mfumbero, qui se détache de la chaîne des montagnes de la Lune, et semble, comme une sentinelle, en annoncer les approches. Ce mont peut avoir dix mille pieds d’altitude.

Cependant la démarche de Rumanika auprès de son voisin de l’Uganda avait eu un plein succès, et un officier nommé Maula, accompagné d’une nombreuse escorte, était arrivé, apportant la bonne nouvelle que les étrangers étaient attendus à la cour du roi Mtesa, qui avait donné des ordres pour que rien ne leur manquât en chemin. Grant souffrait alors d’un mal de jambe assez grave. Speke laissa son ami aux bons soins de Rumanika, et se mit en marche ; En remontant vers le nord, le voyageur fut frappé de la différence qui existe entre les Wahuma, c’est-à-dire les représentans de la race dominatrice dans cette partie de l’Afrique, et le gros du peuple. Chez celui-ci, on remarque tous les traits de la race nègre, tandis que les premiers présentent ceux de la race caucasienne, altérée sans doute par de nombreux croisemens. S’ils ont perdu les cheveux lisses, ils ont conservé la figure ovale, un nez arqué, des yeux plus ouverts, un front moins effacé. Ils vivent de leurs troupeaux et mènent une existence nomade, tandis que les familles purement nègres cultivent la terre. Ces Wahuma se sont emparés de l’autorité partout où ils ont planté leurs tentes, et ont établi des monarchies fortement centralisées. C’est à leur race qu’appartiennent les familles régnantes du Karagué, de l’Uganda et de l’Unyoro. Ils dominent en maîtres absolus sur cette partie du plateau de l’Afrique orientale que l’équateur partage en deux parties égales, et qui comprend 6 degrés de latitude sur 4 de longitude. D’où viennent-ils ? Tel est le problème d’ethnographie que Speke se pose et qu’il cherche à résoudre. Il avance que ce peuple descend des Abyssins. Il veut qu’à l’époque où l’Abyssinie était un royaume florissant, une fraction s’en soit détachée, qui, ne jugeant pas les pays limitrophes assez fertiles pour s’y établir et sachant qu’au-delà du Nil se trouvaient de riches pâturages, aurait poussé jusqu’à ce fleuve, l’aurait traversé et se serait définitivement fixée dans les plaines fertiles de l’Unyoro pour y fonder l’empire de Kittara. Insensiblement ces Abyssins ont abandonné leur religion, perdu la connaissance de leur langue, emprunté aux autochthones leurs mœurs et leurs coutumes, et échangé leur nom primitif contre celui de Wahuma. Ceux qui demeurent en-deçà de l’équateur ont conservé la tradition qu’ils descendent d’un peuple du nord et que leurs ancêtres étaient moitié