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mort pour crime de sorcellerie, d’homicide ou de déprédations considérables. Les petits Vols n’entraînent qu’une peine assez légère ; le plus souvent on s’en tient à la restitution. Dans les pays où la polygamie existe, le mariage ne peut pas être une affaire bien sérieuse. Le nègre achète sa femme. Le prix en est débattu avec le père. Ce qu’il donne reçoit le singulier nom de « douaire. » Les liens peuvent être dissous. Si la femme n’est pas satisfaite de son mari, elle peut retourner chez son père, qui doit alors restituer le douaire au mari ; si au contraire c’est celui-ci qui prend l’initiative de la séparation, il ne peut demander que la moitié, parce qu’une femme perd alors la moitié de sa valeur, comme tout objet que l’on vend de seconde main.

Cette race n’a aucune idée d’un Dieu personnel, origine de toutes choses et gouverneur moral des êtres intelligens. Elle croit à l’existence d’un monde invisible qui n’est que l’image exacte de celui-ci. Les esprits qui l’habitent dirigent les hommes et partagent toutes leurs passions. Ces esprits sont répandus partout, agissent sur tout et sur tous ; ils transmettent leur action par tous les êtres animés ou inanimés, avec lesquels les hommes sont en contact. C’est un panthéisme sous la forme la plus concrète possible. Au prêtre ou magicien appartient le droit d’interpréter la volonté des esprits et de créer par’ des passes magnétiques ou des attouchemens mystiques les médiums au travers desquels ils se manifestent. De là une multitude d’amulettes, de talismans, de baguettes enchantées que les nègres et surtout les chefs et les prêtres portent sur eux en guise de paratonnerre contre les foudres d’en haut. Aucune idée morale, aucun système de théodicée positive ne se rattache à ces formes superstitieuses. Le prêtre s’appelle mganga. Son influence est presque sans limite sur l’esprit du nègre, et il tient auprès des chefs la place que les confesseurs occupaient jadis auprès des rois. Bien d’important ne se fait sans son avis. Ces personnages, dont il ne faut jamais parler avec mépris ni paraître dédaigner la puissance, sont un fléau pour les voyageurs. S’il leur plaît de les tenir éloignés du pays, ils n’ont qu’à pronostiquer à leur approche toute sorte de calamités, et chacun de croire à leurs paroles et d’agir en conséquence. Le principal instrument dont ces mganga se servent pour exercer leur art magique est une corne de vache ou d’antilope qu’ils remplissent d’une poudre mystérieuse. La corne, ainsi que la poudre, s’appelle uganga. Veulent-ils mettre un village à l’abri de l’attaque d’un ennemi, ils vont ficher en terre cette corne à l’entrée du chemin par où il doit venir. En la tenant simplement à la main, ces magiciens prétendent pouvoir découvrir un objet perdu ou volé. Les nègres leur achètent de la poudre bénite, et s’en servent dans mille occasions ; ils en mettent surtout dans des niches