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coalition, il nous est impossible de croire, nous le répétons, qu’une politique inerte soit une politique sage. On a, dans ces derniers temps, placé la politique sous l’invocation de ce que l’on appelle le droit nouveau ou le principe des nationalités. Assurément le principe de nationalité est un grand élément de la politique ; mais on fausserait toutes les situations et toutes les idées, si on continuait à laisser prendre à cet élément une place plus vaste que celle qui lui est due. Les états fondent leur puissance intérieure et leur influence au dehors sur trois choses : la nationalité, la géographie ou les frontières, et les institutions. C’est de la combinaison de ces trois élémens, et non du développement excessif d’un seul au détriment des autres, que procèdent la force des états sains et l’action qu’ils peuvent exercer au milieu de cette agglomération d’états qui compose l’Europe. Les questions de nationalité sont souvent ambiguës et donnent lieu quelquefois à d’inextricables confusions. Qu’on invoque les droits de nationalité quand il s’agit d’un peuple en masse obligé de subir un gouvernement qui lui est étranger, comme cela se passait en Italie, comme cela existe encore en Pologne, rien de plus naturel et de plus juste ; mais, comme on le voit aujourd’hui dans le Slesvig, qu’on vienne au nom de la nationalité demander le démembrement d’une petite province intermédiaire entre deux races et où ces races s’entremêlent, on aboutit à des actes arbitraires et violens qui contredisent la logique et le droit. Il faut distinguer aussi entre les nationalités : il y a celles qui souffrent et sont opprimées, il y a celles qui sont prospères, puissantes, ambitieuses, capables d’infliger à d’autres l’oppression au lieu de la subir elles-mêmes. Sous la vague formule du droit des nationalités, doit-on confondre les justes griefs des races qui souffrent et les tendances usurpatrices, l’orgueilleuse avidité de celles qui dominent ? Cette confusion s’accomplit facilement, et nous en avons un exemple dans ce qui se passe entre le Danemark, qui se voit arracher le Slesvig tout empreint de nationalité danoise, et l’Allemagne invoquant, sur l’Eider un principe qu’elle viole sans scrupule contre des populations polonaises, slaves, hongroises et italiennes, qu’elle n’est point parvenue, qu’elle ne parviendra jamais à s’assimiler. Le principe des nationalités, mettant en jeu et aux prises aussi bien l’orgueil et l’ambition des races dominantes que les griefs des races opprimées, ne saurait être l’instrument exclusif de notre politique étrangère, dans les conditions surtout où la France est aujourd’hui placée. Nous sommes en face d’une alliance inévitablement hostile à la France : cette alliance ne représente pas seulement la domination étrangère exercée par la force sur certaines races ; elle représente surtout les idées réactionnaires et la politique autocratique. La France, voulant réagir d’une façon pacifique, mais efficace, contre cette alliance, ne le peut qu’à une seule condition, à la condition de redevenir ce qu’elle a été pendant tant d’années ; le représentant le plus éclatant sur le continent des idées et des institutions libérales. Contre la coalition renaissante, l’idée de liberté