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1792 et de 1814, il semble, disons-nous, qu’une pareille opération peut facilement se conclure à l’amiable. Il ne faut pour, cela qu’une occasion où la France serait sollicitée de prendre part à une négociation touchant à d’autres intérêts européens, ou de tolérer certaines combinaisons territoriales accomplies en d’autres parties du continent. Le concours et de bons procédés de la France valent bien que les autres états de l’Europe nous donnent cette satisfaction idéale sur un point qui est devenu pour eux d’un si mince intérêt.

Ces considérations sont justes ou du moins fort plausibles : elles ont autorisé quelques personnes à croire que le gouvernement français ne pouvait moins faire que de trouver dans les complications danoises l’occasion et le moyen d’obtenir le rétablissement de la frontière de 1814. Ces ingénieux tisseurs de conjectures trouvaient la position de la France admirable : n’étions-nous point placés entre l’Angleterre d’un côté et de l’autre l’Allemagne ou pour mieux dire la Prusse ? L’Angleterre demandait notre concours actif, la Prusse n’avait besoin que de notre abstention. Nous pouvions mettre un prix soit à notre concours, soit à notre abstention. À l’Angleterre, pour notre concours actif, nous pouvions demander le grand prix, l’abandon des erremens de 1814, la large extension de notre frontière vers le Rhin. Est-ce là ce dont il a été question dans ces pourparlers à propos d’une compensation auxquels lord Russell et Jord Clarendon ont fait allusion ? En tout cas, la perspective de cette compensation paraît avoir effarouché le gouvernement anglais et l’a totalement refroidi pour le Danemark. À la Prusse et à la confédération germanique, nous pouvions demander le petit prix, la frontière de 1814. Les facilités successives et inespérées que notre indifférence déclarée pour le traité de 1852 et notre abstention ont données à la Prusse dans sa campagne contre le Danemark devaient nous créer des titres à la gratitude de la Prusse et de l’Allemagne. Cette gratitude ne pouvait s’exprimer à moins de frais qu’en nous rendant Sarrelouis et Landau. Le bruit de la reconstitution de l’alliance du Nord est malheureusement venu à la traverse de ce rêve optimiste. Quelques-uns de ceux qui ont caressé cette illusion ne sont point toutefois découragés ; ils comptent encore sur l’intérêt qu’a M. de Bismark à ménager et à dédommager le gouvernement français. M. de Bismark est le seul homme d’Europe qui tienne en ce moment dans ses mains la boîte aux surprises, et il n’a pas dit son dernier mot. Attendons la fin, nous le voulons bien. Quant à nous, nous verrions avec répugnance la France tirer le moindre profit indirect de la spoliation du Danemark, et cependant nous éprouverions un sentiment de désappointement et de tristesse, s’il était permis à la Prusse de s’agrandir sans que la France eût le droit d’effacer pacifiquement de sa carte un souvenir qui ne peut plus lui nuire, mais qui l’afflige et la blesse.

Dans ces perplexités chagrines et devant la perspective d’une nouvelle