Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/773

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la France, où il vient de résumer le patriotique enseignement qu’il donne à Saint-Cyr à notre jeunesse militaire, ce gouvernement était soupçonné, haï, menacé par la coalition. Au moindre mouvement, il eût attiré sur la France la moitié de l’Europe, même l’Angleterre, sa douteuse alliée… Il devait donc, sans autre ambition, se mettre en mesure de garder et couvrir la France dans les frontières défectueuses qu’on lui avait imposées, et, en s’efforçant de leur rendre leur importance et leur efficacité, la préparer à toutes les éventualités. Il entreprit ce travail modeste avec une sollicitude pleine de patriotisme, réforma, compléta, simplifia l’œuvre de Vauban, enfin répara, autant qu’il le pouvait, les brèches de 1815. Aucun gouvernement depuis Louis XIV n’en avait autant fait, et ce sera l’éternel honneur du règne de Louis-Philippe. » La construction des places fortes de Soissons, de Langres, de Toul, de Marsal, l’augmentation de Wissembourg et de Bitche, les fortifications de Lyon et de Paris ont fermé ou rendu inutiles les issues par lesquelles la coalition avait cru nous dominer en nous enlevant Landau et Sarrelouis. C’est pour ce motif que nous appelons la rectification de la frontière de 1815 une petite question, si on la compare au renversement de l’œuvre de 1814. La France n’a plus un intérêt effectif à reprendre Landau et Sarrelouis ; elle ne trouverait plus guère qu’une certaine satisfaction morale à obtenir la restitution de ces places. Il va sans dire que l’avantage qu’elle en retirerait est trop petit pour qu’elle puisse avoir l’idée de le poursuivre au risque et au prix d’une grande guerre.

C’est en se rendant compte de l’état de la question de nos frontières qu’on est arrivé aux suppositions qui ont eu cours dans ces derniers temps. Défaire le travail de 1814, s’est-on dit, il n’y faut point songer, à moins qu’une guerre dont nous ne serons point les provocateurs ne nous en fournisse l’occasion légitime et décisive. La grande question mise ainsi de côté, on se trouvait en présence de la seconde : n’est-il point possible de nous faire rendre les petits morceaux qui nous ont été pris en 1815 ? Ces lambeaux de territoire n’ont plus pour nous une réelle importance ; mais ils en ont moins encore pour l’Allemagne. De quoi Sarrelouis pourrait-il servir à la Prusse ? Quel profit la Bavière et derrière elle la confédération pourraient-elles tirer désormais de Landau ? La défense de la France a maintenant de bien plus solides boucliers. Si l’on nous faisait ces restitutions, l’Allemagne ne conserverait-elle pas encore les avantages que lui donne le traité de 1814 ? ne garderait-elle point une position formidable entre la France et le Rhin ? Certes la France ne ferait point preuve d’une ambition bien exigeante en demandant à être replacée non pas dans les limites que la république avait léguées à Napoléon, mais dans celles que la révolution avait reçues de l’ancien régime et que les coalisés de 1814 concédaient à la restauration. Il semble qu’une opération aussi simple, aussi modeste, aussi inoffensive, qui donnerait à la France une satisfaction plus historique que politique, la satisfaction de rentrer dans sa configuration de