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en l’absence du chef, de l’attendre trois mois, ou même plus, si les approvisionnemens étaient suffisans. Brahe comptait être ravitaillé par le détachement qui était resté en arrière à Menindie, sur le Darling, sous le commandement de Wright ; mais ce dernier, ayant perdu plusieurs de ses chevaux, n’avait plus à sa disposition des moyens de transport suffisans. Bref, il séjourna trop longtemps à Menindie, et ne se mit en route qu’à la fin de janvier, au milieu de l’été. Pendant ce temps, le détachement de la Rivière-Cooper avait consommé ses provisions. Harcelés par les indigènes, malades du scorbut, les hommes qui le composaient désespéraient de voir revenir Burke et ses trois compagnons. Craignant de n’avoir plus la force de rentrer dans les districts habités, ils se mirent en marche pour revenir, et au bout de trois ou quatre étapes ils rencontrèrent Wright et sa troupe, qui arrivait enfin avec des vivres et des secours. Brahe et Wright, une fois réunis, jugèrent bon de retourner encore une fois à la Rivière-Cooper. Ils se retrouvèrent donc au dépôt peu de jours après que Burke y était arrivé ; mais, ne voyant aucun indice de changement, ils ne prirent pas le soin de fouiller la cachette où Burke venait d’enterrer son journal de voyage, et ils repartirent aussitôt, pour rentrer définitivement sur le Darling. Lorsque plus tard on connut l’étrange coïncidence qui avait réuni les trois détachemens à leur insu, à quelques pas l’un de l’autre, il y eut une explosion d’indignation contre la conduite égoïste ou imprudente de Wright et de Brahe, qui étaient repartis sans se livrer à des recherches suffisantes, et qui auraient, en tardant un peu, sauvé la vie des voyageurs absens. Il ne paraît pas cependant que ces reproches soient fondés. On était au plus mauvais moment de l’année pour séjourner dans cette région ; les indigènes étaient très hostiles, le scorbut faisait d’affreux ravages dans le personnel de l’expédition ; quatre hommes périrent avant que la troupe ne fût rentrée dans les districts habités, et peut-être, si elle eût tardé davantage, les autres n’eussent-ils pas eu la force de marcher jusqu’au bout.

Burke, Wills et King restaient donc seuls dans la vallée du Cooper, avec cette triste certitude qu’après cinq mois d’absence ils n’avaient manqué leurs compatriotes que de six ou sept heures. Que devaient-ils faire ? Se diriger vers Menindie, à la suite de ceux qui venaient de partir. En réalité, cette résolution les eût sauvés, puisque le détachement revint en arrière peu de jours après son départ ; mais il y avait 600 kilomètres au moins à faire dans cette direction avant d’arriver au Darling, et aucun d’eux n’était capable d’un si long trajet. Avant leur départi de Melbourne, ils avaient entendu dire qu’une station de moutons avait été créée près le Mont du Désespoir, à 250 kilomètres environ au sud-ouest du camp où ils