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de la plante, les athées à l’image de la pierre. Qui a raison de ces trois théologies ?

Disons toute la vérité : Dieu n’est ni un homme, ni une plante, ni une pierre. Il est l’infini et le parfait indivisiblement unis. De tous les symboles par lesquels on peut essayer de le représenter, l’âme humaine est certainement celui qui s’éloigne le moins de ce divin modèle ; mais elle n’en est qu’une ombre, et ce n’est que par des à peu près que nous pouvons conclure de nous à lui. Cependant, pour éviter un Dieu fait à l’image de l’homme, ne tombons pas plus bas, et ne cherchons pas à le concevoir comme semblable à une plante qui se développe ou à une pierre qui tombe, et surtout, pour éviter toutes ces idolâtries, n’allons pas nous réfugier dans un vain idéalisme, ne laisser à Dieu d’autre ciel que notre pensée et notre cœur, car quel miracle qu’une créature si misérable que nous sommes soit le seul endroit que Dieu puisse habiter ! Quel miracle que l’être absolu et subsistant par soi-même soit incapable d’atteindre à la perfection, et qu’un des phénomènes passagers dans lequel cet absolu se manifeste soit capable de se créer à soi-même l’idée de la perfection ! Il ne faut pas que, par lassitude des théories qui ont longtemps régné, on se propose à soi-même et l’on propose aux autres de plus obscurs mystères qu’aucun de ceux qu’ait jamais proposés aucune religion.

De si profonds problèmes ne se résolvent pas en quelques pages. Contentons-nous d’avoir résumé quelques-unes des idées nouvelles les plus importantes et d’en avoir en même temps signalé les lacunes. Une controverse plus approfondie dépasserait peut-être le degré d’attention que le lecteur peut apporter à de pareilles questions ; mais nous ne pouvons abandonner cette étude sans conclure et présenter en terminant quelques idées sur l’avenir et les destinées de la philosophie spiritualiste.

Ici nous ne pouvons que nous associer aux conclusions franches et libérales de M. Caro : « l’expérience cruelle que la philosophie spiritualiste a faite depuis quelques années, et qui se continue encore à l’heure qu’il est, doit l’avertir de se tenir à l’avenir sur ses gardes, de ne plus s’endormir, comme elle l’a fait, dans la sécurité trompeuse d’une sorte de scolastique renaissante, pendant qu’autour d’elle tout se renouvelait, critique historique, critique religieuse, sciences physiques et naturelles. Reconnaissons de bonne foi ce qui nous manquait. On appelait paix des esprits leur indifférence et leur langueur. On estimait trop aisée la solution des grandes questions ; on acceptait sans les contrôler sérieusement des démonstrations vraiment insuffisantes. Enfin on s’isolait de plus en plus du mouvement des sciences physiques, naturelles, historiques,