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pas, comme l’existence de l’infini, une vérité évidente par elle-même ; mais nous pensons que l’analyse et le raisonnement y conduisent nécessairement.

Il faudrait faire ici d’ailleurs une distinction importante : il faut distinguer, ce nous semble, l’idée d’un être parfait tel qu’il est en soi et l’idée des diverses perfections que nous lui supposons pour le rendre accessible à notre raison et à notre cœur. Il y a là deux degrés d’affirmation qu’il ne faut pas confondre. Je dis d’abord que Dieu est un être parfait, quelles que soient d’ailleurs ses perfections, et. je dis ensuite qu’il possède telle ou telle perfection. Or je suppose que, vu la faiblesse de notre esprit, je me trompe en attribuant à Dieu telle ou telle perfection ; je suppose qu’entre les diverses perfections que j’imagine, il y en ait d’incompréhensibles ou de contradictoires ; je supposé enfin que, pour rendre Dieu plus accessible et plus aimable, je le rapproche trop de ma propre image : s’ensuivrait-il que la notion d’un être parfait devrait succomber avec celle de tel ou tel attribut scolastique ? Je distingue l’essence de Dieu et les attributs de Dieu. L’essence de Dieu est la perfection : ses attributs sont ses diverses perfections, que je me représente comme je puis. On aurait beau établir que je me trompe sur les attributs (en supposant en Dieu de fausses perfections), il ne faudrait pas en conclure que je me trompe sur son essence, à savoir sur la réalité de son absolue perfection. Par exemple, suivant M. Vacherot, un Dieu en dehors de l’espace et du temps est absolument incompréhensible et implique contradiction ; mais je ne sais pas si Dieu est en dehors de l’espace et du temps. Je dis d’abord que Dieu est l’être parfait : voilà le point hors de doute. Je cherche ensuite si, étant parfait, il est en dehors du temps et de l’espace. Lors même que je me tromperais sur le second point, s’ensuivrait-il que je me suis trompé sur le premier ? J’en dirais autant de tous les attributs de Dieu. Quand même il n’y en aurait pas un seul qui me fût connu tel qu’il est en lui-même, je pourrais toujours affirmer qu’il y a un être absolument parfait, sauf à m’en rapporter à la foi ou à la vie future pour connaître d’une manière précise et sûre ses perfections.

Nous sommes loin de vouloir soutenir la doctrine alexandrin e d’un Dieu sans attributs, et nous croyons qu’il est tel attribut de Dieu, par exemple la pensée, que l’on ne peut guère nier sans le nier lui-même ; mais enfin reconnaissons qu’il peut très bien se faire que Dieu ait des attributs qui surpassent nos pensées, ou que, pour le mieux comprendre, nous lui en prêtions d’autres qu’il n’ait pas. Autre chose est un Dieu indéterminé, tel que le Dieu des panthéistes, autre chose un Dieu ineffable, inexprimable, dont j’affïr- merais