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affectés au coton. Deux conditions sont attachées à cette culture, un sol particulier et un sol arrosable. Sur les terrains secs que gercent les soleils d’été, l’exploitation, ou ne réussirait pas ou ne paierait pas les frais de main-d’œuvre ; il en serait de même des plateaux, sujets à de brusques variations de température. C’est donc aux fonds inférieurs qu’il faut limiter les essais, et les meilleurs sont les fonds du littoral. Presque toutes les plaines qui débouchent sur la mer sont composées d’un terrain de transport très meuble avec des couches d’argile toujours mélangées de détritus. Aucune roche ne paraît à la surface, et à quelque profondeur que l’on ait creusé, on n’a trouvé que de l’alluvion formée d’une juste proportion d’argile et de sable. Aux fonds ainsi exposés, un autre avantage s’attache : ils s’imprègnent, sous l’influence des vents du large, d’efflorescences salines favorables à cette végétation. La présence de lacs et de terrains salés prolonge cette zone fort avant dans l’intérieur. C’est sur ces fonds privilégiés que se récoltent les plus belles espèces, les cotons longue-soie, comme on les nomme ; mais la nature du sol ne suffirait pas, pour bien produire, sans la faculté d’irrigation. Le véritable instrument de cette culture est l’aménagement des eaux ; or on sait quel en est en Algérie le régime naturel. L’hiver elles débordent, pendant la saison chaude les lits sont à sec. Capter ces eaux, les emmagasiner dans des lits artificiels, se ménager des réserves suffisantes pour abreuver les plantes pendant tout le temps de l’étiage, distribuer ces réserves dans un service régulier, voilà les conditions à remplir, si l’on veut sortir de la petite production pour entrer dans la grande exploitation. Ce que l’Égypte tire de son Nil dans des proportions abondantes et au moyen d’une canalisation informe, il faut que nous l’empruntions à une hydraulique artificielle créée à grands frais, multipliée sur tous les points où il y a de l’avantage à l’introduire. Il s’agit d’une certaine violence à faire à la nature des lieux, d’une discipline à imposer à l’élément rebelle. Les points à transformer ainsi sont tout indiqués : dans la province de Constantine, les plaines du Saf-Saf, de Bône et de Bou-Merzouk ; dans la province d’Alger, le bassin du Chélif et la Mitidja ; dans la province d’Oran, les plaines de la Mina et de l’Habra.

L’exemple de la vallée du Sig est propre à encourager les expériences sur une plus grande échelle. Ce bassin, d’où la fièvre chassait les premiers colons, s’est assaini, embelli, couvert des plantations les plus riches et les plus variées. La vallée doit cette fortune à son barrage. L’idée en vint à la vue de ruines, romaines qui semblaient avoir eu cette destination. L’ouvrage fut repris au début de l’occupation française et lentement conduit : il n’a été achevé qu’en 1858, sous la direction de M. Aucour, ingénieur en chef de la province