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la guerre, on y regardait l’étude comme achevée et en parfait état. Sur cet avis, M. Herzog partit pour Paris ; le cahier des charges avait reçu des modifications, il désirait les connaître et prendre à ses frais une copie des plans. Il se rendit dans les bureaux de la guerre, les plans n’y étaient plus, on les avait envoyés au conseil supérieur des ponts et chaussées pour les soumettre à une dernière vérification. Au secrétariat-général du conseil supérieur des ponts et chaussées, réponse analogue : les plans étaient chez le rapporteur. Peut-être serait-il possible de ménager à un intéressé l’accès, du domicile du rapporteur, on l’essaierait. Les jours s’écoulèrent, et en s’écoulant enlevèrent à M. Herzog ses dernières illusions. Ce qu’il vit, ce qu’il entendit acheva de faire tomber les écailles de ses yeux. Après dix-huit mois de démarches incessantes, il n’était pas plus avancé qu’au début, Ce dossier, qui allait de Paris à Alger et d’Alger à Paris, d’un conseil à l’autre et du conseil au rapporteur, commençait à lui donner des vertiges. La lassitude le prit, et, comme avaient fait les quatre compagnies, à son tour il renonça.

Telle est l’histoire d’une concession des terres du domaine racontée par un homme honorable, et dont le récit n’a pas été démenti. Il est bon que de pareils faits soient révélés, ne fût-ce que pour l’exemple ; le seul contrôle qu’ils puissent avoir est dans le jugement de l’opinion publique, et rarement ils arrivent jusqu’à ce tribunal. Pour un qui est dans ce cas, mille y échappent. Le dernier mécompte de M. Herzog l’a d’ailleurs bien conseillé ; huit mois se sont écoulés depuis son désistement. L’adjudication des terres de l’Habra n’a été décidée que tout récemment, après vingt-sept mois d’instruction ; l’enchère a eu lieu le 21 juillet 1864, et a été couverte par une offre d’un franc par hectare, plus la charge des frais du barrage, portés à 3,315,000 francs. L’ensemble de ces charges établit le prix de l’hectare aux environs de 140 francs. Le nom de l’adjudicataire est nouveau dans l’affaire ; les anciens soumissionnaires ont persisté, à ce qu’il semble, à se tenir à l’écart ; leurs offres, dans tous les cas, ont été dépassées. Il n’y aura de perdu, si le contrat vient à effet, que le bénéfice du temps écoulé. Un coup d’œil jeté sur les lieux nous permettra maintenant de juger ce que l’état du pays a de favorable aux cultures en projet.


II

Une illusion commune est de croire qu’il existe en Algérie beaucoup de terres propres à la culture du cotonnier. La quantité en est au contraire assez restreinte. Sur les 20 millions d’hectares qui composent la région cultivable, 300,000 tout au plus peuvent être