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des eaux en raison des surfaces. En réalité, c’était moins une compagnie qui se formait qu’une association dei famille pour ainsi dire. Point d’appel au public, point de souscription poussée à renfort d’annonces. Les souscripteurs s’étaient comptés, avaient mesuré leurs forces et limité leur nombre. À leur tête figuraient les vétérans de la colonisation locale, les principaux lauréats des concours pour la production du coton ; ils avaient fixé leur apport, recueilli des adhésions parmi les petits planteurs. M. Antoine Herzog et son beau-frère, M. Lefébure, député du Haut-Rhin, se chargeaient de tout ce qui restait disponible après cette répartition, jusqu’à la concurrence d’un chiffre total de 5,500 hectares. Les souches étaient remplies par des engagemens nominatifs, accompagnés des signatures les plus valables. L’élan fut tel qu’au bout de quinze jours l’association fût constituée. Le 24 novembre 4862, la proposition partait pour Alger avec une copie des statuts à l’appui. La lettre d’envoi insistait sur les motifs qui devaient faire pencher les préférences en faveur d’une compagnie locale : l’expérience acquise, l’acclimatation achevée, les services rendus, le capital constitué sans bruit au lieu d’un capital à fonder sur des promesses pompeuses, enfin l’exploitation directe avec des noms pour garans et des clauses formelles au lieu de la spéculation indirecte, qui n’avait rien défini et ne s’était expliquée ni sur ses intentions, ni sur ses moyens.

Cette demande, précise dans ses termes, fut pour l’administration algérienne un embarras et une surprise. L’administration était engagée, et dans le cercle de son action ne pouvait se donner de démenti. Ainsi dessaisie, elle n’avait à répondre, et c’est ce qu’elle fit, que par un refus d’instruire. Il n’appartenait qu’au conseil d’état de prononcer, s’il y avait lieu, la déchéance de la compagnie anglaise ; jusque-là les bureaux d’Alger avaient les mains liées. La compagnie d’Oran ne se tint pas pour battue par une difficulté de formes. Elle s’adressa à la seule influence qui pût la trancher, à l’empereur, et obtint gain de cause. Dès lors son dossier fut admis à l’examen du conseil d’état concurremment avec celui de la compagnie rivale. Six mois s’étaient écoulés dans ces préliminaires ; on était au mois de janvier 1863. Beaucoup de temps avait été perdu dans une question où chaque jour avait son prix. Cependant avec un peu de promptitude dans les décisions le mal eût pu se réparer. Les deux compagnies en présence avaient fait leurs justifications ; , en quelques semaines, on pouvait prendre un parti en abrégeant l’instance et écartant les petites chicanes. Il ne s’agissait que de choisir entre les prétendans ou de les concilier. Quatre mois s’écoulèrent encore, au bout desquels le conseil d’état décida que les 24,100 hectares de l’Habra seraient vendus par lots aux enchères publiques. C’était la