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de trahison. Les petites insinuations n’étaient pas épargnées non plus : on croyait avoir l’ennemi en face ; contre lui, tout moyen était bon. Sous ce rapport, notre éducation comme peuple est fort arriérée. Il n’eût pas été indifférent pour les destinées de l’Algérie que la main anglaise s’y montrât à côté de la nôtre, qu’elle y imprimât, comme elle le fait en Égypte ; une direction vigoureuse aux cultures et au traitement des produits par l’emploi des machinés et l’abondance des capitaux. Tout eût été profit dans cet élément nouveau. Les services des arts de la paix ne sont pas de ceux qui admettent des distinctions d’origine ; de quelque part qu’ils viennent, on doit leur faire accueil. les colons de l’Algérie étaient donc mal inspirés dans leurs susceptibilités. Là où leur plainte était plus fondée, c’est quand ils disaient qu’avant de recourir à des étrangers on aurait dû les mettre en demeure, et que cette concession si prompte, si directe, si dégagée de formalités, était un procédé auquel on ne les avait pas accoutumés. Près de ces terres qu’on venait de céder en bloc, il existait d’anciennes plantations, celles du Sig entre autres, qui, achetées par des hécatombes de victimes, étaient peuplées de colons aguerris à qui on allait interdire tout développement. Ils ne pourraient plus désormais s’agrandir que par le rachat et en payant une prime à des spéculateurs de terrains. Si des préférences étaient dues à quelqu’un, c’était à eux ; ils avaient fait leurs preuves, planté et recueilli du coton, triomphé dans tous les concours. L’argent n’était qu’une médiocre garantie comparée à ces résultats obtenus, à une exploitation florissante, à une possession antérieure. Ils n’étaient pas d’ailleurs eu peine de fournir, eux aussi, le capital nécessaire pour se porter acquéreurs. Ils ne demandaient qu’une faveur, c’est que l’enchère fût rouverte en face de ce contrat signé à huis clos. Ils se faisaient forts de trouver au premier appel l’équivalent des sommes que la compagnie anglaise s’était engagée à réunir, et des sommes réelles, tandis que les siennes étaient en partie fictives.

Sur ces impressions en effet, une société fut fondée et prit son siège à Oran. Elle ne fixait pas encore son capital d’émission, mais offrait un cautionnement de 482,000 francs à verser immédiatement comme garantie d’une constitution sérieuse. Elle s’engageait à prendre livraison des terres de l’Habra, dès qu’elles seraient en état, au prix de 100 francs l’hectare au lieu de 80 francs que devait payer la compagnie anglaise. Son projet, et elle en donnait le détail, n’était pas une exploitation d’un seul bloc, mais une division en lots particuliers qui seraient livrés sur-le-champ à la culture. Le premier résultat eût été l’installation de 200 familles sur le bassin de l’Habra avec leurs instrumens de travail. On eût partagé le débit