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et des souscriptions ouvertes pour les assister. L’approvisionnement du coton pesait sur nos fabriques comme un embarras et une menace. L’affaire fut promptement instruite, et dès le 25 juin de la même année un traité signé à Alger accordait à deux Anglais, sous la seule réserve de la ratification impériale, 24,100 hectares de terres du domaine de l’état, situées au confluent de l’Habra et du Sig. L’état se chargeait des travaux de dessèchement et des frais de construction d’un barrage qui, retenant et encaissant les eaux, devait pourvoir à l’irrigation des surfaces concédées. Les contractans, de leur côté, s’engageaient à mettre les terres en rapport au fur et à mesure de leur émergement, sans délai fixe ni obligation impérative, et à payer chaque hectare livré à raison de 80 francs par échéances successives. Le capital annoncé était de 25 millions de francs, qui ne devaient figurer que sur le papier et n’étaient pas une clause étroite. Un cautionnement de 200,000 francs était seul imposé pour répondre de la solidité du contrat. Quelques garanties étaient en outre prises pour l’acquittement des livraisons à effectuer et aussi une réserve faite pour des anticipations qui auraient servi à couvrir une partie des travaux du barrage, évalués à 2 millions de francs. Ces devis fussent-ils excédés, rien n’en devait retomber à la charge de la compagnie ; ses obligations se réduisaient au paiement des surfaces assainies et susceptibles d’irrigation. Tel était ce marché, qui a causé plus de bruit qu’il n’a eu d’effet. Le tort de la compagnie anglaise a été de prendre un titre précaire pour un titre régulier, et de s’en prévaloir avant l’heure. Plus circonspecte, peut-être eût-elle atteint le but. Au fond, elle avait une constitution sérieuse. Si le capital de 25 millions qui lui servait d’enseigne n’a jamais été réalisé, il est certain qu’elle avait réuni cinq millions de francs dans une souscription publique, lesquels suffisaient, et au-delà, pour une première campagne. Quelques nuages, qui n’ont jamais été dissipés, pesaient bien sur son origine ; mais elle était malgré tout la première en date, s’appuyait sur des signatures données, et eût certainement gagné à attendre, dans une certaine réserve, une sanction qui avait à parcourir encore plusieurs degrés.

Le châtiment d’une publicité prématurée ne se fit pas attendre ; la colonie algérienne s’émut et non sans motif. Cette aliénation faite à des étrangers lui parut un affront et un préjudice. On sait comment les têtes se montent en pareil cas. L’affaire la plus délaissée devient bonne dès qu’elle est recherchée par autrui ; la confiance s’empare alors des plus hésitans ; plus de calculs timides, chacun se porte à l’envi vers ce qui est convoité. Les préventions les plus irréfléchies, s’y mêlaient. Livrer les terres de l’Algérie à des Anglais, quelle imprudence ! Peu s’en fallut qu’on ne prononçât le mot