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1852. À cette date, les cultures n’embrassaient que 42 hectares ; en 1853, elles s’élèvent à 474 ; en 1854, à 1,720 ; en 1856, à 1,925 ; en 1858, à 2,053. C’est l’apogée, et un fait à remarquer, c’est que cette extension est antérieure aux temps de disette. Les États-Unis demeurent les maîtres de nos marchés et y versent en 1859 près de 3 millions de balles. Il était à supposer que leur retraite fournirait à l’Algérie l’occasion d’un nouveau et vif développement : c’est le contraire qui a eu lieu ; les quantités descendent ou sont stationnaires : 1,475 balles en 1859, 1,484 en 1860,1,209 en 1861, 1,477 en 1862. L’abaissement est plus significatif encore quant au nombre des planteurs. Au début, c’est la petite propriété qui domine ; la culture du coton est presque du jardinage. Les 1,720 hectares exploités en 1854 se partagent entre 1,417 planteurs ; le lot moyen de chacun est de 1 hectare 1/4. En 1858, la moyenne monte à 2 hectares ; 2,053 hectares se répartissent entre 1,005 planteurs. À partir de ce moment toutefois, la culture se concentre en moins de mains ; le nombre des planteurs roule de 3 à 400 de 1859 à 1861, avec un lot de 4 hectares environ pour chacun ; en 1862, il n’y a plus que 113 planteurs pour 1,477 hectares, c’est-à-dire l’équivalent de 13 hectares par planteur. Les deux termes extrêmes sont donc ceux-ci : 1 hectare 1/4 à l’origine, 13 hectares à la fin d’une période de dix ans. Quant à l’étendue des surfaces cultivées, de 2,053 hectares qu’elle avait atteints en 1858 ; elle s’abaisse en 1862 à 1,477 hectares, et en même temps, du chiffre de 1,417 planteurs en 1854, on descend à celui de 113 en 1862 : d’où cette conséquence que pendant que sur le reste du bassin de la Méditerranée le mouvement des cultures s’atteste par un grand accroissement de produits, il languit dans notre colonie d’Afrique tant pour les surfaces exploitées que pour le nombre des exploitans.

Il y a dans ces faits une sorte de marche à rebours qui demande quelques éclaircissemens. On s’explique mal en effet comment des circonstances qui ont agi partout ailleurs comme aiguillon se sont changées dans nos possessions en causes d’inertie, comment à des prix de venté cinq fois plus élevés nous n’avons répondu que par des signes d’impuissance, comment, après avoir développé nos cultures quand l’Amérique était maîtresse des marchés, nous les avons ralenties quand les violences d’une guerre civile l’en ont éconduite. Les autres pays du globe se seraient partagé sa dépouille, et seuls nous n’en aurions pas profité ! Pourquoi cela ? C’est une triste histoire, et elle nous enseigne une fois de plus que la main de l’état gâte souvent ce qu’elle touche. Vers 1852, il y eut pour la culture du coton un de ces engouemens qui nous sont familiers, viennent on ne sait d’où, et, à peine nés, dépassent la mesure. N’importe à