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je vous ai déjà dit, par les sages du concile. J’ai, à votre considération, communiqué et même soumis (pour ne rien omettre de ce que je devois à ce qui m’a été représenté de votre part) toutes les pensées que j’avois ci-devant eues sur les ouvrages de Lille à une personne à qui ce m’est, sans vanité, quelque petit avantage d’avoir autrefois inspiré celles que vous y avez honorées de votre estime, et si, vous verrez bien que je n’aurai peut-être pas été correspondu en cela par une même franchise, s’il est vrai que, comme on me l’a dit en partant, elle vous doit bientôt envoyer des plans et mémoires contraires à quelques petits projets de réduits qu’on m’a prématurément tirés des mains, aussi bien que celui de la citadelle proposée. Mais, comme je vous ai bien voulu faire un sacrifice de complaisance et de respect dans toute la conduite que j’ai tenue avec cette personne et dans toute cette affaire, j’espère que vous reconnoîtrez par là que, quoi que des gens malintentionnés vous aient pu dire, je suis incapable de manquer à la soumission avec laquelle je suis, etc.[1]. »


Vauban écrivait bien plus simplement à Louvois : « Le chevalier de Clerville fit, avant de partir, moi présent, planter une douzaine de piquets à l’aventure seulement, pour dire qu’il avoit tracé la citadelle ; mais la vérité est qu’il n’y en a pas un qui puisse servir. »

Enfin le 28 octobre 1667 Vauban put envoyer à Louvois, qui les attendait avec impatience, les dessins et mémoires de la citadelle de Lille[2]. C’était un de ses aides les plus intelligens et les plus dévoués, le chevalier de Montgivraut, qui était chargé de les présenter au secrétaire d’état, et de lui fournir au besoin les explications qu’il estimerait nécessaires. Tandis que Vauban, tout à ses devoirs, s’en allait, en attendant le jugement du litige, surveiller et presser dès travaux commencés à Courtrai, un troisième ingénieur, venu de Tournai avec une mission de Turenne, arrivait à Lille afin d’étudier le terrain et de faire, lui aussi, son projet de citadelle[3].

Cependant, le 13 novembre, au sortir d’un conseil où Clerville avait soutenu lui-même ses idées devant Louis XIV, Louvois. s’empressait d’écrire à Vauban : « Le roi a résolu de faire travailler, sans aucune perte de temps, à la citadelle de Lille, dans le même lieu que vous avez marqué sur votre plan. » Et ce n’était pas seulement à Lille que Vauban triomphait ; Louvois lui donnait la direction des travaux dans toutes les places conquises qui étaient de son département.

  1. Ces deux lettres, datées du 19 et du 23 octobre 1607, se trouvent dans le tome 209 des vieilles archives du Dépôt de la guerre.
  2. Vauban à Louvois, 28 octobre 1667 : » Je suis long, mais Je suis seul, et je voulois vous parler juste ; aussi crois-je n’y avoir pas mal réussi, puisque pour ce qui regarde les mesures et les observations, je ne m’en suis fié à personne qu’à moi, et à l’égard de l’estimation de la dépense, je n’ai rien fait que sur le rapport des ouvriers et des gens qui ont manié les travaux, de la ville. »
  3. Il s’appelait Terry ; c’était un architecte de Tournai qui travaillait sous Deshoulières.