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avec cette note : « bon ingénieur et bon officier[1]. Il était employé alors aux travaux de Brisach, qui était, comme la province d’Alsace en ce temps-là, du département de Colbert[2]. Il semble que Colbert ait d’abord eu l’intention de s’attacher Vauban. C’est vers cette même époque qu’il lui demanda le dessin d’une petite machine militaire destinée à l’amusement du dauphin, âgé alors de trois ou quatre ans ; cette machine n’était pas autre chose qu’un petit équipage d’artillerie avec tous ses engins et accessoires[3]. Pendant trois années de suite, Vauban fut chargé par Louis XIV de diverses missions relatives apparemment à son art ; il fit trois voyages en Allemagne, et poussa dans un quatrième jusqu’aux Pays-Bas. Il reçut à chaque fois ce qu’il appelle une honnête gratification, accompagnée de grandes promesses ; mais ces voyages avaient le grave inconvénient de le distraire de ses travaux de Brisach. Il n’en serait rien résulté, si l’intendant et l’entrepreneur auxquels il avait affaire eussent été, l’un bienveillant, et l’autre probe. C’était tout le contraire par malheur. L’intendant d’Alsace, un Colbert, cousin du contrôleur-général, avait pris en mauvais gré Vauban, qui peut-être ne lui faisait pas assez sa cour, et s’était laissé séduire par les respects de l’entrepreneur, lequel était un malhonnête homme. Dire que l’intendant faisait commerce avec l’entrepreneur, ce serait répéter sans preuve une accusation qui, venue de Vauban, peut s’expliquer par son ressentiment même ; mais enfin l’intendant soutenait ouvertement l’entrepreneur, et rendait Vauban personnellement responsable de toute la dépense faite au-delà de ses devis.

La guerre qui survint en 1667 ne fit qu’augmenter les embarras de Vauban, car il fut obligé, pour prendre part aux opérations militaires, d’abandonner des travaux dont il ne cessa cependant pas d’avoir la direction nominale ; mais comment un capitaine au régiment de Picardie se serait-il excusé de faire campagne ? et comment un ingénieur du roi aurait-il négligé l’occasion de servir sous le commandement et sous les yeux du roi lui-même ? Vauban n’hésita pas ; il accourut d’Alsace et suivit l’armée dans les Pays-Bas. On sait avec quel succès rapide la Flandre fut conquise. Vauban conduisit trois sièges royaux comme ingénieur en chef. Le premier,

  1. Estats et Controolles des troupes du roy, des lieux de leurs garnisons et endroicts où elles se trouvent,… avec des observations sur les officiers d’infanterie. — Bibliothèque impériale, Mss. 9350 (89).
  2. On sait que les quatre secrétaires d’état se partageaient l’administration des provinces L’Alsace étant du département de Colbert, c’était de Colbert que dépendaient tous les travaux de fortification en Alsace.
  3. Vauban en a parlé deux fois, dans l’Abrégé des services et dans le Mémoire pour servir d’instruction dans la conduite des sièges.