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des côtes, le capitaine Stokes avait reconnu au nord du continent l’embouchure de plusieurs rivières, et les avait quelquefois remontées en canot jusqu’à 100 ou 200 kilomètres. Des vallées bien boisées et bien irriguées, de larges cours d’eau peuplés de crocodiles et d’alligators, des prairies naturelles entremêlées d’arbustes et animées par le ramage d’innombrables perroquets, tel était l’aspect de ces contrées où la nature des tropiques se développait dans toute sa splendeur. Des essais de colonisation furent faits en divers points de la côte, entre autres à Port-Essington, mais ne réussirent pas, sans doute en raison de l’isolement de cet établissement et peut-être aussi parce que le climat tropical convenait moins aux émigrans que la zone plus tempérée du sud. Les expéditions de découvertes manquaient donc d’une base d’opérations. Néanmoins Augustus Gregory, sous les auspices de la Société royale de géographie de Londres et avec l’aide du gouvernement anglais, entreprit en 1856 de pénétrer par cette voie au centre du continent. Après être sorti du bassin de la rivière Victoria, il se vit au milieu d’impénétrables broussailles qui retardaient sa marche, et eut souvent affaire à des tribus indigènes d’apparence assez hostile. Il ne put dépasser le vingtième, degré de latitude. Deux ans après, il entreprenait un nouveau voyage dans une région différente, et, parti de Brisbane, au nord de Sydney, il s’avançait vers la rivière Victoria de sir Thomas Mitchell, à la recherche de l’infortuné Leichardt. Il descendit ce cours d’eau et reconnut que la rivière Cooper de Sturt n’en est que la continuation. Par une coïncidence bizarre, Mitchell et Sturt s’étaient trouvés en 1845 dans le bassin de la même rivière et à peu de distance l’un de l’autre sans s’en douter. Gregory, poursuivant encore sa route dans le même sens, vit que cette vallée aboutissait au lac Torrens, découverte qui éclairait d’un nouveau jour la topographie de l’Australie. De même que la Murray réunit et déverse dans la mer, près du Golfe-Spencer, tous les ruisseaux issus des montagnes qui sont à l’occident de Sydney, de même les montagnes plus septentrionales donnent naissance à un immense cours d’eau qui, sous le nom de rivière Victoria, rivière Cooper, traverse obliquement tout le continent dans une direction parallèle au Darling et à la Murray, et vient se jeter dans le bassin du Torrens. À ce fleuve, que sa longueur et la largeur de son lit feraient classer parmi les plus importans du globe, il ne manque que de l’eau. Pendant une partie de l’année, c’est un canal desséché où les voyageurs périraient de soif, s’ils ne rencontraient de petits étangs qui conservent un peu d’eau à l’abri des arbres qui les ombragent ; c’est ce que les Anglais appellent broken river, régime habituel des rivières dans les pays chauds et peu accidentés.

Sur la côte occidentale, Frank Gregory, frère du précédent, explora