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des idées du vrai et du juste : la révélation est donc nécessaire ; mais si la révélation est nécessaire pour donner à l’homme les notions du vrai, du bien et du juste, base et objet de l’état, il s’ensuit que l’état a sa racine, non dans la raison humaine, mais dans la révélation divine que l’église a conservée et manifeste perpétuellement par son organe infaillible, la papauté. Le souverain légitime des états et de l’humanité est donc le chef de la société spirituelle, c’est-à-dire le représentant de la Divinité, le pape. Que l’état se soumette à l’église, et le pouvoir laïque au clergé, ou sinon il s’abîme dans l’anarchie. Cette doctrine, qui, pour donner un fondement solide à la puissance ecclésiastique, dénie à la raison la force de s’élever par elle-même à la connaissance de la vérité, a été celle de l’église depuis le moyen âge ; elle est la racine même du parti catholique, et elle a été enseignée par l’université catholique de Louvain avec tant de crudité, que les jésuites ont cru devoir protester, et que le pape lui-même n’a pu donner une complète approbation.

Le second système, celui sur lequel s’appuie le parti libéral, admet que la base de l’état est la notion clairement perçue du juste et du bien ; mais il soutient qu’en dehors de toute révélation la raison, intérieurement fortifiée par cette lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, peut s’élever à la possession de ces notions, et devient ainsi capable, dans sa pleine indépendance et dans sa légitime souveraineté, de constituer et de régir la société civile. Entre ces deux systèmes, il n’y a point de milieu. Ou bien la raison humaine ne peut arriver au vrai que par la tradition, par la révélation, et alors le pouvoir civil reste soumis à la haute direction de l’église, et la constitution imposée par le souverain pontife à la république de l’Equateur et maintenue à Rome est l’idéal des sociétés, ou bien la raison, naturellement unie à Dieu, peut conquérir la vérité, et alors le pouvoir laïque est indépendant et doit conserver son indépendance.

L’opposition de ces deux doctrines a éclaté en Belgique principalement au sujet de deux questions d’application qui ont toujours divisé les partis et passionné les esprits : la question des couvens et celle de l’enseignement. Il sera nécessaire d’en dire ici quelques mots. De la solution dépend en grande partie l’avenir du pays, car au moyen des couvens on peut agir sur les générations actuelles et au moyen de l’enseignement s’emparer des générations avenir.

Dès le moyen-âge, le pouvoir civil a vu avec inquiétude la multiplication des couvens et les envahissemens de la mainmorte. En Belgique, les souverains les plus dévoués à l’église, Charles-Quint, Philippe II, Marie-Thérèse, publient des édits qui défendent aux corporations religieuses d’acquérir des biens sans une autorisation préalable, accordée seulement aux congrégations jugées utiles et