Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exigences du saint-siège étaient et devaient être les mêmes, puisqu’elles sont fondées sur ce qu’il nomme ses droits imprescriptibles ; seulement le pouvoir civil n’y a pas partout également cédé.

Ainsi il est certain que l’église condamne les libertés modernes ; il est encore certain que là où le pouvoir civil cesse de résister, elle en impose l’abrogation ; il semble donc certain aussi que le jour où en Belgique elle aura rempli les chambres législatives de ses partisans dévoués, elle fera donner à ce pays des institutions conformes à l’idéal qu’elle poursuit. C’est pour éloigner ce moment que le parti libéral combat l’influence grandissante du clergé en matière politique et qu’il lutte contre tous ceux qui la favorisent., La défense de la liberté et de la constitution qui la consacre, voilà sa seule raison d’être.

Nous venons d’indiquer quelle est au fond la série d’argumens que les libéraux adressent à leurs adversaires dans leurs journaux et au sein du parlement. Il faut voir maintenant si leurs appréhensions ne sont pas exagérées, et quels sont les principaux points d’application immédiate sur lesquels les partis se divisent.


II

Quand on veut remonter aux causes dernières des débats humains, c’est toujours dans le monde des idées qu’il faut s’élever. Si vous voyez des partis qui se combattent, soyez sûr qu’ils représentent deux doctrines qui s’excluent. Toutes les grandes poésies, Job, l’Iliade, le Paradis perdu, Faust, avant de dérouler le tableau des luttes terrestres, nous font assister à celles des puissances célestes. Sous le nom des deux partis que nous voulons faire connaître, deux systèmes philosophiques sont aux prises, l’un niant, l’autre affirmant les forces naturelles de la raison humaine, le premier menant logiquement à la théocratie, le second à la liberté.

Le premier dit : Il n’existe qu’une société véritable, la société spirituelle, c’est-à-dire l’accord des hommes sur certaines idées vraies d’après lesquelles se régleront les droits et les devoirs. La société civile n’est possible qu’en s’appuyant sur la société spirituelle, lien commun des esprits dans la vérité. La société spirituelle domine donc la société civile, et les règles de celle-ci doivent découler directement des lois immuables de celle-là. Mais qui tracera ces règles, qui déclarera ces lois ? Évidemment celui qui possède la vérité et qui connaît le juste. Le souverain légitime ne sera donc pas la raison humaine, car aucune loi fixe ni partant aucune société civile régulière ne peut sortir d’opinions individuelles toujours variables. Il faut pour base au droit l’idée de justice clairement perçue. Or la raison est incapable d’arriver par elle-même à la possession