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désolé que fût le pays où il s’était avancé, il touchait enfin à cette mystérieuse région centrale que nul n’avait encore abordée. Quelques jours encore, et le centre du continent serait atteint. En réalité, l’expédition était alors bien plus rapprochée du golfe de Carpentarie que d’Adélaïde, et, n’eut été l’intérêt géographique, elle pouvait retourner sur ses pas, car le triste aspect du pays prouvait abondamment que les colons n’y voudraient jamais pénétrer. Cependant Sturt fit encore deux ou trois étapes en avant jusqu’à ce que l’épuisement de ses compagnons et de ses chevaux l’eût contraint à revenir.

De retour au dépôt où le gros de sa troupe était resté, il repartit une seconde fois en prenant plus au nord, afin de tourner, s’il était possible, le désert pierreux et les plaines de sable qui lui avaient fait obstacle. C’est alors qu’il découvrit la belle et fertile vallée où coule la Rivière-Cooper, vallée devenue fameuse plus tard dans l’histoire (les explorations de l’Australie, parce que ce fut un lieu de relâche, un point de ravitaillement et malheureusement aussi un triste tombeau pour d’autres voyageurs dont il sera bientôt question. Dans cette oasis inattendue se trouvaient des arbres d’une belle venue et des pâturages comme en demandaient les colons d’Adélaïde ; mais au-delà les dunes reparaissaient, puis le désert pierreux, plus large peut-être que sur la route précédente, et les cailloux roulés, qui couvraient le sol au point de ne pas laisser à un arbuste la place de se développer ; rien à l’horizon qui pût indiquer où la stérilité s’arrêterait. Il fallut revenir en toute hâte ; une partie des chevaux, épuisés par une trop longue privation d’eau, fut abandonnée sur la route. D’ailleurs l’été arrivait à grands pas, et personne n’envisageait sans frémir la perspective d’une nouvelle captivité de six mois dans le désert. L’expédition fit une prompte retraite vers les bords hospitaliers du Darling, et put entrer sans accidenta Adélaïde après une absence de dix-neuf mois. N’ayant rien appris sur eux depuis leur départ, on les croyait perdus ; cependant à la joie de leur retour se mêlait un vif sentiment de déception, car l’impression générale que Sturt et ses compagnons rapportaient de ce long et pénible voyage était l’impossibilité absolue de pénétrer à l’intérieur du continent.

Il semble que la mort de Kennedy et de Leichhardt dans le nord-est et l’insuccès de Sturt dans la région centrale aient arrêté longtemps ceux qui eussent été tentés de les imiter. Pendant dix ans, de 1848 à 1858, on paraît craindre de s’engager dans l’intérieur, et il n’est plus question que de voyages sur les côtes occidentale et septentrionale. Dans le nombre, on remarque surtout les expéditions des frères Gregory. Pendant la campagne hydrographique qu’il avait accomplie autour de l’Australie de 1837 à 1843 pour lever le plan